Avec quel argent fera-t-on le « Service Public » de la petite enfance ?

Les assistantes maternelles pourront finalement accueillir des enfants pendant la fermeture des crèches et établissements scolaires entre le 5 et le 26 avril.
Westend61 via Getty Images/Westend61 Les assistantes maternelles pourront finalement accueillir des enfants pendant la fermeture des crèches et établissements scolaires entre le 5 et le 26 avril.

PETITE ENFANCE - Lors de sa campagne présidentielle, Emmanuel Macron a promis de créer au cours de son quinquennat un service public de la petite enfance. Plus précisément, il souhaite créer 200 000 places d’accueil en crèche et chez des assistantes maternelles et verser une allocation aux familles qui ne trouveraient pas de mode de garde près de chez elles. Ce serait une avancée majeure pour les familles et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

Le coût des modes de garde

Cependant, une telle promesse a un coût. La construction d’un berceau de crèche coûte en moyenne 40 000 euros. Le coût annuel pour les finances publiques d’une place en crèche est de 18 000 euros, celui d’une garde par une assistante maternelle est de 10 000 euros. La bonne nouvelle est que la branche famille de la sécurité sociale qui doit financer ces dépenses est désormais excédentaire de quelque 2,7 milliards d’euros. Un montant insuffisant pour financer les 200 000 places promises, mais qui pourrait permettre d’enclencher, dès 2023, une partie de la réforme.

Or, que voit-on dans le Projet de Loi de Finances de la Sécurité Sociale (PLFSS) actuellement débattu par les parlementaires ? Aucune place supplémentaire n’est annoncée pour 2023. En revanche, le Gouvernement pille, à l’article 10, 2 milliards d’euros à la branche famille pour renflouer d’autres besoins jugés « plus prioritaires ».

Privée de ces ressources, la branche famille aura très peu de marges de manœuvre pour mener à bien une ambitieuse réforme des modes de garde.

Comment fera-t-on alors ?

Il y a trois possibilités, toutes aussi tristes les unes que les autres :

  • Abandonner l’idée de faire réellement un service public de la petite enfance ;

  • Annoncer un service public mais remettre la responsabilité de la création de modes de garde sur le dos des collectivités locales (communes et départements) : elles aussi voient leurs ressources fondre comme neige au soleil et il y a fort à parier qu’elles seront dans l’incapacité de créer les places promises ;

  • Dire officiellement qu’on fait un service public de la petite enfance mais le réserver, de fait, à certaines familles « choisies » (par exemple modestes, monoparentales, …) et limiter l’aide qu’on attribue aux autres familles.

Déshabiller Pierre pour habiller Paul

C’est malheureusement la troisième voie qui a l’air d’être le choix actuel du Gouvernement :
L’article 36 du PLFSS qui annonce pour 2025 une réforme du Complément Mode de Garde veut faciliter la garde par les assistantes maternelles des familles modestes mais assume que 43 % des familles devront être moins aidées pour cela. Faute de financements adéquats, il n’y a pas d’autre choix que de déshabiller les uns pour habiller les autres.

Samedi 12 novembre, le Sénat a voté contre le pillage de 2 milliards d’euros de la branche famille. Mais, en utilisant le 49-3 le Gouvernement peut parfaitement confirmer ce hold-up lors du retour du texte à l’Assemblée nationale dans quelques jours.

Ce sera l’heure de vérité pour le Gouvernement : laisser à la branche famille les 2 milliards indispensables à une ambitieuse réforme de la petite enfance ou voler l’argent dans une vision à très court terme. En effet, chaque euro investi dans la petite enfance permet aux parents de jeunes enfants de travailler et de financer, par leur travail, la sécurité sociale et par voie de conséquence tout le modèle social français.

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