Arabie saoudite : comment le pays a été choisi par l'ONU pour présider la Commission de la condition des femmes

Au terme de la 68e session annuelle de la commission de l'ONU dédiée aux droits des femmes, l'Arabie saoudite a obtenu la présidence pour la prochaine édition.

La 68e session annuelle de la Commission de la condition de la femme s'est tenue entre le 11 et le 22 mars au siège de l'ONU. (Photo : Xie E/Xinhua via Getty Images)

Pour de nombreuses militantes de la cause féminine à travers le monde, la nouvelle a été vécue comme un affront. Il y a quelques jours, l'Arabie saoudite a fièrement annoncé qu'elle présiderait la 69e session annuelle de la commission de l'ONU dédiée aux droits des femmes, qui se tiendra du 10 au 21 mars 2025 au siège des Nations Unies à New York.

Dans les faits, c'est plus précisément l'ambassadeur saoudien à l'ONU, Abdulaziz Alwasil, qui occupera le poste de président de la Commission de la condition de la femme (CSW) pour la prochaine mandature. Élu par acclamation au terme de la 68e session, le diplomate était selon The Guardian le seul candidat à la succession du Philippin Antonio Lagdameo. Dans des circonstances un peu particulières.

Une commission créée en 1946

Pour mieux comprendre comment la présidence de la CSW a pu échoir à un pays classé 131e sur 146 pour ce qui est de l’écart des droits entre les femmes et les hommes (d'après un récent rapport du Forum économique mondial), il convient de se pencher sur le fonctionnement de cette commission censée promouvoir "l’égalité des sexes et de l'autonomisation des femmes", selon sa présentation sur le site officiel ONU Femmes.

Lancée dès la création de l'ONU en 1946, la CSW a pour vocation de jouer "un rôle important dans la promotion des droits des femmes". "Elle reflète la réalité vécue par les femmes dans le monde entier et contribue à l'établissement des normes mondiales relatives à l'égalité des sexes et à l'autonomisation des femmes", ajoute le texte de présentation.

Rotation des membres

La commission compte en permanence 45 membres, qui se réunissent chaque année en mars à New York pour une session de travaux. Ces membres ne sont en revanche pas permanents : la composition de la CSW est en effet régie par des principes de rotation et d'alternance, à l'instar de ce que l'on peut observer dans certains autres organismes émanant de l'ONU.

Chaque pays membre des Nations Unies peut ainsi déposer sa candidature pour participer à la commission, mais uniquement pour un période de quatre années consécutives. Chaque année, plusieurs pays membres arrivent au bout de cette période de quatre années et sont donc remplacés par d'autres nations au sein des 45 participants. Les pays sortis de la CSW doivent ensuite patienter au moins un an avant de pouvoir la réintégrer, pour une nouvelle période de quatre ans.

Les pays membres répartis selon les régions du globe

Les pays membres sont par ailleurs répartis selon cinq aires géographiques (Afrique, Asie-Pacifique, Amérique Latine et Caraïbes, Europe de l'Ouest et autres, Europe de l'Est), chacune étant dotée d'un nombre fixe de participants. Les nouveaux candidats peuvent donc uniquement prendre la place de nations appartenant à la même aire géographique lorsque leur mandat de quatre ans arrive à expiration.

Ces aires géographiques sont également utilisées pour déterminer la composition du bureau qui dirige chaque année la session de la commission. Celui-ci est composé de cinq membres, chacun provenant d'une aire géographique différente. Les candidats au bureau sont d'ailleurs élus au sein des sous-groupes correspondant à chaque aire avant d'être validés par la commission.

Télescopage de calendriers

En principe, le bureau est élu pour deux ans, avec là aussi un principe de rotation : à chaque nouveau mandat, le poste de président est occupé par un ambassadeur provenant d'une aire géographique différente. En l'occurrence, l'Asie-Pacifique a succédé chronologiquement à l'Afrique, qui avait assuré la présidence des sessions 2022 et 2023, et à l'Europe de l'Est (2020 et 2021).

Au sein des pays membres du groupe Asie-Pacifique, c'est donc l'ambassadeur philippin qui avait initialement été désigné à la tête de la CSW pour un mandat de deux ans. Ce calendrier semble toutefois s'être télescopé avec celui de la rotation des pays-membres. Les Philippines arrivent en effet cette année au bout de leur période de quatre ans et ne pourront donc pas participer à la session 2025.

L'ambassadeur saoudien, candidat surprise

Un nouveau représentant a donc dû être désigné pour boucler le mandat. D'après The Guardian, l'ambassadeur du Bangladesh a longtemps été pressenti pour occuper le poste, mais l'Arabie saoudite aurait fini par entrer dans la danse au dernier moment et par user de son influence pour permettre à Abdulaziz Alwasil d'être le seul candidat. En clôture de la 68e session annuelle de la CSW, le président Antonio Lagdameo a donc proposé ce nom à l'approbation des 45 états membres.

Après un moment de silence lourd de sens, l'ambassadeur philippin annonce : "Je n'entends pas d'objection, c'en est donc décidé" et valide la nouvelle composition du bureau. Ce dernier devrait être intégralement renouvelé en 2025 et l'Arabie saoudite n'assurera donc la présidence que pour une année, mais l'occasion tombe plutôt mal : la 69e session annuelle de la CSW doit en effet célébrer en grande pompe le 30e anniversaire de la Déclaration de Pékin, texte fondateur du combat pour les droits des femmes au XXIe siècle...