Après le show de Trump, CNN dans le viseur des critiques

Le choix de CNN de reprogrammer Trump ce mercredi 10 mai a  été vivement critiqué.
Le choix de CNN de reprogrammer Trump ce mercredi 10 mai a été vivement critiqué.

ÉTATS-UNIS - Mensonge sur mensonge, la tempête Trump a déferlé sans que personne ne puisse l’arrêter. Pour son retour sur la chaîne CNN, Donald Trump combatif a rejoué ce mercredi 10 mai au soir sa partition favorite en multipliant les provocations et les piques, sous les applaudissements de ses fans.

Ce « town hall », un grand rituel de la politique américaine, était la première apparition médiatique de l’ancien président américain depuis qu’il a été reconnu responsable d’agression sexuelle par un tribunal de New York. Donald Trump a d’ailleurs longuement moqué son accusatrice, la qualifiant de « tarée ».

L’échange constituait aussi un exercice périlleux pour CNN, où Donald Trump n’était pas apparu dans un tel format depuis son élection en 2016. La chaîne qui s’était targuée d’avoir préparé sa journaliste et le rendez-vous dans les moindres détails n’a pas réussi à écarter les critiques qui l’accusent d’offrir à Trump un nouveau mégaphone malgré ses mensonges sur l’élection de 2020, perdue face à Joe Biden. Ce mercredi, de nombreux démocrates et des spécialistes des médias ont reproché à CNN d’avoir donné à l’ex président 90 minutes d’antenne gratuites.

La présentatrice chahutée

La journaliste Kaitlan Collins a tenté de maîtriser Trump, notamment lorsqu’il a une nouvelle fois martelé - sans preuve - que le scrutin de 2020 était « truqué ». Il faudrait être « un idiot » pour ne pas le reconnaître, a lancé d’un ton taquin le républicain à la cravate rouge. L’ancien dirigeant, favori pour la primaire républicaine, ne s’est pas non plus fermement engagé à accepter le résultat de la présidentielle de 2024.

Mais, premier hic, la modératrice a eu du mal à vérifier les faits de l’ancien président en temps réel, relate le Huffington Post. L’ancien président ne s’est pas gêné non plus pour la qualifier en direct de « nasty person », une personne « vicieuse » ou « méchante », un adjectif qu’il avait employé contre Hillary Clinton lors de la campagne de 2017. « Vous n’êtes pas quelqu’un de bien », « vous ne savez pas de quoi vous parlez », l’a-t-il encore critiquée.

Dans la presse américaine, les critiques ne sont pas tendres envers la journaliste. Slate évoque un débat « mal animé » et « à la fois un retour en arrière sur les plus mauvais jours de la présidence de Trump, un aperçu frustrant de ce à quoi nous pouvons probablement nous attendre au cours des dix-huit prochains mois ». Sur MSNCBC, le présentateur Mehdi Hasan évoque, lui, une émission qui était de toute façon « vouée à l’échec ».

Alexandria Ocasio-Cortez : « C’était honteux »

« C’était honteux », a tancé sur Twitter Alexandria Ocasio-Cortez, la représentante démocrate de New York après l’émission. « Ce que nous avons vu ce soir, c’est une série de décisions extrêmement irresponsables », a-t-elle ajouté. Sur MSNBC, elle a jugé que cette séquence illustrait à la perfection la difficulté des gens à dénoncer des allégations d’agression sexuelle.

« Je ne peux pas croire que cela soit autorisé sur CNN. Cela promulgue le leadership culte de Trump – et les gens se moquent des agressions sexuelles », a de son côté critiqué sur Twitter la très influente journaliste Gretchen Carlson, ajoutant dans une autre publication : « Nous sommes au bord du gouffre en Amérique ».

« À tous ceux qui, sur Twitter ou ailleurs, ont prédit que ce town hall sur CNN serait un désastre pro-Trump, vous aviez raison », a abondé le politologue Larry Sabato.

Sur l’avortement, dossier sur lequel les républicains sont de plus en plus mal à l’aise, Donald Trump a là encore refusé de dire s’il promulguerait une interdiction nationale de l’avortement. De la même façon qu’il a semble-t-il refuser de prendre une position claire sur la guerre en Ukraine.

Donald Trump a aussi multiplié les attaques contre son successeur Joe Biden, son possible rival en 2024, assurant qu’il était « sérieusement en train de lui mettre la pression ». Le président démocrate a réagi dès la fin de l’échange télévisé. « Vous voulez vraiment quatre ans de plus de ça ? », a-t-il lancé dans un tweet. « Si vous ne le voulez pas, contribuez à notre campagne », a écrit le président-candidat octogénaire.

Audience record

« Le désastre de ce soir doit servir de leçon à tous les autres organismes d’information de la planète : NE PAS NORMALISER DONALD TRUMP. CNN a donné à Trump 90 minutes de temps d’antenne ininterrompu pour réécrire l’histoire et réinitialiser son propre récit », a même jugé dans un communiqué le Lincoln Project, un groupe républicain qui s’oppose à Trump. Il dénonce aussi un « public trié sur le volet par CNN ».

Mais dans un univers médiatique très compétitif, les chaînes ont besoin de spectacle. Les frasques de Donald Trump, qu’elles choquent ou amusent, font de l’audience - CNN a connu certains de ses meilleurs scores sous sa présidence.

Le camp Trump s’est en revanche ravi de la performance « fantastique » de son candidat. Un de ses conseillers s’est réjoui, auprès de l’AFP, que Donald Trump ait eu l’opportunité de « parler de son programme » à l’audience de CNN, ce qu’il n’avait pas fait « depuis bien longtemps ».

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