Après ses propos sur l’esclavage, Gérald Darmanin refuse de présenter ses excuses

Sommé de s’excuser par les élus ultramarins, Darmanin persiste avec ses propos polémiques sur l’esclavage

Le ministre de l’Intérieur est accusé par plusieurs parlementaires de « révisionnisme » et de « paternalisme ».

POLITIQUE - Pas de regret. Critiqué par plusieurs élus ultramarins après ses propos polémiques sur l’abolition de l’esclavage, le ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, Gérald Darmanin a refusé de présenter ses excuses ce mardi 7 février lors des traditionnelles questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale. Il est accusé de « révisionnisme » et de « paternalisme. »

« C’est en 1794, que réunis en Assemblée du peuple, les parlementaires ont suivi Robespierre et étendu la fin de l’esclavage. En 1848, c’est la République qui en Martinique puis en Guadeloupe a aboli l’esclavage. Ce qui ne retire évidemment rien au combat de ceux qui, esclave ou non-esclave, ont voulu combattre ce crime contre l’humanité », a ainsi lancé le locataire de la Place Beauvau, au député insoumis de la Réunion Perceval Gaillard qui l’estimait « disqualifié » après ses propos. « Je n’ai rien dit d’autre, il faut réviser les livres d’histoires », a-t-il conclu, en déclenchant la colère de plusieurs parlementaires, comme vous pouvez le voir ci-dessous.

Gérald Darmanin semble donc ne rien retirer à ses mots qui ont mis le feu aux poudres. Ils remontent au jeudi 2 février. Le ministre de l’Intérieur participe alors, avec son ministre délégué Jean-François Carenco à une journée de conférences sur les Outre-mer organisée par la rédaction du Point. Entre autres sujets, il évoque la question mémorielle, en marge de discussions sur l’adoption en Martinique d’un drapeau inspiré des mouvements indépendantistes.

Darmanin persiste et s’attire les critiques

« Les Antilles ont été des colonies, mais pas de peuplement », explique-t-il, alors, selon des propos cités par Le Monde, « je rappelle que, contrairement à ce que l’on raconte (…), c’est la République française qui a aboli l’esclavage. La France a sans doute mis, dans des conditions extraordinairement difficiles, les populations colonisées dans des états désastreux, mais c’est la République qui a aboli l’esclavage. On leur demande d’aimer la République, pas toute l’histoire de France. »

De quoi provoquer l’ire de plusieurs élus ultramarins, dont certains d’entre eux lui ont adressé une lettre ouverte dès vendredi 3 février, en lui demandant des excuses. L’abolition de l’esclavage est « le résultat de la résistance constante des esclaves, contraints d’arracher leur liberté là où les décisions de la République mentionnée par Gérald Darmanin tardaient à être proclamées, et plus encore, à être appliquées », écrivent ces 18 parlementaires dans leur texte. Une colère qui a donc résonné dans l’hémicycle de l’Assemblée ce mardI.

« Non, ce n’est pas la République qui a libéré les esclaves. Mais ce sont les esclaves eux-mêmes qui se sont libérés par leurs luttes et leurs combats. L’ignorance est une chose, le mépris en est une autre, vous n’êtes pas le premier ni le dernier à ne rien connaître aux Outre-mer », a ainsi fustigé le député Perceval Gaillard au micro, en critiquant la « condescendance » du ministre dans sa déclaration : « Vous nous faites honte. En tant que député de la Réunion, je vous le dis, vous êtes disqualifié après de tels propos. »

Quelques secondes plus tard, son collègue Max Mathiasin, membre du groupe Liot (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), a porté la charge à son tour. « C’est vous qui polémiquez lorsque l’on vous dit que l’abolition de l’esclavage c’est aussi et surtout la lutte des esclaves qui n’ont jamais accepté ce système », a-t-il tonné, manifestement remonté, avant que la socialiste Karine Lebon, élue de la Réunion en remette une couche contre « l’offense » et « l’indécence » de Gérald Darmanin.

« Non, la République seule n’a pas aboli l’esclavage par pure volonté émancipatrice. Si l’évolution juridique de l’esclavage a été autorisée par le pouvoir, ce sont bien les esclaves eux-mêmes qui, part leur combat, ont rendu leur libération inévitable », a ainsi rappelé la députée de La Réunion, membre du groupe communiste à l’Assemblée, avant de faire le pont avec les difficultés actuelles dans les territoires d’outre-mer, des taux de pauvreté record à l’espérance de vie moindre : « Nous aimons la République, mais que fait la République de cet amour ? »

Face à ces nombreuses critiques, Gérald Darmanin a eu bien du mal à faire entendre la philosophie de sa réponse. « Je pensais que nous pourrions, tous ensemble être d’accord pour être honorés d’être dans un régime politique qui s’appelle la République française et qui en effet, par deux fois, a aboli l’esclavage », a-t-il ainsi répondu, en répétant mot pour mot, et à plusieurs reprises, ce qu’il avait déjà dit la semaine dernière. Sans rien retirer.

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