Après #MeTooStandUp, une charte des comedy clubs créée pour « ouvrir les yeux » et « protéger les artistes »

Jessie Varin a créé une charte contre les violences sexistes et sexuelles dans les comedys clubs.
Jessie Varin a créé une charte contre les violences sexistes et sexuelles dans les comedys clubs.

VIOLENCES SEXUELLES - En janvier dernier, le mouvement #MeToo a atteint le milieu du stand-up, suite à l’appel à témoignages de l’humoriste Florence Mendez. Des dizaines de femmes ont dénoncé un environnement très masculin, où il est difficile de se faire une place, et où les humoristes victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles n’ont personne vers qui se tourner.

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Depuis, certaines personnalités de ce petit monde ont décidé d’agir. C’est le cas de Jessie Varin, directrice artistique de la péniche La Nouvelle Seine, dans le cinquième arrondissement de Paris, qui vient de lancer la « Charte des Comedy Clubs ». Celle qui milite pour une professionnalisation du milieu dans la prise en charge des VHSS (Violences et Harcèlement Sexistes et Sexuels) explique au HuffPost le but de sa démarche.

Le HuffPost. Dans quel contexte avez-vous créé cette charte ?

Jessie Varin. C’est quelque chose auquel je pense depuis très longtemps. J’ai créé un comedy club il y a un an et demi au sein de La Nouvelle Seine. Certaines femmes artistes m’avaient signalé qu’elles ne se sentaient pas toujours très à l’aise et en sécurité dans certains établissements. Tout s’est ensuite accéléré autour de deux points : j’ai suivi une formation obligatoire pour les chefs d’entreprise sur les VHSS avec des pairs de mon milieu. J’étais la seule femme et je me suis rendu compte à quel point le sexisme était intériorisé parmi des professionnels qui accompagnent des comédiennes. Il y a ensuite eu le #MeTooStandUp qui a été un déclencheur.

Quels sont les problèmes inhérents au milieu du stand-up quand on est une femme ?

Le sexisme dans le stand-up existe un peu comme dans tous les milieux professionnels, avec des spécificités. Quand tu montes sur scène, tu es seule face au public et aux humoristes programmés le même soir, et tu te retrouves dans une position de vulnérabilité. Quand tu es une personne sexisée [les personnes concernées par le sexisme, ndlr], tu te retrouves souvent seule dans les loges car il y a un côté boys club. C’est un huis clos avec une énergie de compétition très masculine qui démultiplie la charge émotionnelle quand tu es une femme. Et les humoristes hommes n’ont pas cette vision-là. Il y a aussi tout un système patriarcal qui fait que les femmes qui montent sur scène sont beaucoup moins nombreuses. Historiquement, le rire n’appartient pas aux femmes, elles se le réapproprient depuis très peu de temps.

Comment fonctionne la charte ?

C’est une charte en cinq points qui est plutôt simple, qui aura peut-être vocation à évoluer. Il y a un point sur l’ensemble des discriminations, car l’expérience des femmes est aussi celle des personnes LGBT +. Il y a un appel à signature qui est plutôt très bien accueilli. On en est à 200 signataires et une soixantaine de clubs y ont répondu. On a également prévu un gros sticker du logo de la charte. L’idée est qu’il soit affiché devant les clubs qui l’ont adoptée, pour que les artistes et les spectateurs se sentent plus safes.

Sur quel point avez-vous particulièrement insisté ?

J’aimerais qu’on veille à tendre vers un line up paritaire. Dans mon travail de programmatrice, j’ai une parité totale, voire plus de femmes sur mon plateau. Mais il y a encore quelques années, il y avait des festivals où il y avait une dizaine d’artistes exclusivement masculins. C’est parfois impossible en termes de disponibilité de réunir des femmes sur ton plateau. Mais l’idée est de se dire que si un programmateur a besoin de femmes humoristes, on se donne des noms et on crée des opportunités. Si une comédienne n’a pas le niveau, c’est parce qu’elle n’a pas eu accès à autant des scènes ouvertes qu’un comédien. J’ai vraiment envie qu’on y réfléchisse, car tout est une question d’opportunité.

Que prévoit la charte pour la prise en charge des victimes de harcèlement ou d’agressions sexuelles ?

J’aimerais d’abord que tous les lieux aient fait la formation sur les VHSS. S’ils ne peuvent pas recueillir la parole d’une comédienne qui viendrait se confier sur une situation problématique, j’aimerais qu’il y ait toujours une personne qui puisse y répondre. C’est pour cela que j’ai fait un partenariat avec l’association Derrière le rideau [association qui milite en faveur de la libération de la parole dans le milieu du spectacle vivant, ndlr], dont le mail est affiché dans la charte, afin qu’une personne puisse recueillir la parole des comédiennes.

À l’avenir, quelle influence doit avoir cette charte dans milieu du stand-up ?

J’espère qu’avec cette charte le milieu du stand-up ira vers une professionnalisation, surtout sur les VHSS. Beaucoup de comedy clubs se passent dans des bars, des lieux éphémères, et il n’y a pas vraiment de lois qui encadrent ce travail. Tout le personnel doit se former. Je suis en train de voir avec le syndicat des organisateurs de spectacles dans quelles mesures on peut mettre en place une formation sur les VHSS pour les directeurs ou programmateurs qui seraient dans la demande. Ces derniers vont devoir ouvrir les yeux, car on doit protéger les artistes sur leurs lieux de travail, qui sont les comedy clubs et les théâtres.

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