Après la dissolution de l’Assemblée nationale, le sort de Gabriel Attal en question

Le Premier ministre Gabriel Attal, lors des commémorations du 8 juin 2024 devant l’Arc de Triomphe.
LUDOVIC MARIN / AFP Le Premier ministre Gabriel Attal, lors des commémorations du 8 juin 2024 devant l’Arc de Triomphe.

POLITIQUE - Mais où diable était passé Gabriel Attal dimanche soir ? Le Premier ministre, qui devait s’exprimer dans la foulée des résultats des européennes, a disparu des radars, remplacé par le président de la République en personne. Dans une intervention depuis l’Élysée, ce dernier a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale. Un défi risqué pour le camp présidentiel… et pour l’actuel chef de la majorité.

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Pourtant, Gabriel Attal a donné de sa personne dans la campagne des européennes. Du simple porte-à-porte dans les premiers jours pour faire connaître la tête de liste Valérie Hayer au débat face à Jordan Bardella, le Premier ministre s’est impliqué, au point d’être accusé d’invisibiliser la cheffe de file Renaissance.

Difficile, dès lors, de l’absoudre totalement de l’analyse et des leçons à tirer des résultats du scrutin. Avec 14,6 % des voix, Valérie Hayer finit très loin derrière le RN et se retrouve talonnée par Raphaël Glucksmann. La personnalisation du scrutin autour du couple exécutif était une lame à double tranchant et le couperet menace désormais de tomber sur le Premier ministre.

Attal opposé à la dissolution de l’Assemblée nationale ?

Selon Le Monde, Gabriel Attal n’a pas été mis dans la confidence de l’option dissolution, sur laquelle Emmanuel Macron travaillait depuis quelques mois. Et ce, alors que les discussions se sont accélérées fin mai. Le chef du gouvernement a été informé de la décision du président de la République moins d’une heure avant les résultats de sortie des urnes. En même temps que ses ministres, Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu, Bruno Le Maire, et que la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet. Aucun traitement de faveur.

La députée des Yvelines a publiquement fait savoir qu’il existait pour elle un « autre chemin » que la dissolution de l’Assemblée. Un avis que partagerait aussi Gabriel Attal, selon les informations de BFMTV. Une semaine avant le scrutin, son entourage confiait à L’Opinion travailler sur « des initiatives politiques » à proposer au chef de l’État pour l’après-9 juin. Mis devant le fait accompli dimanche soir, Gabriel Attal a bien tenté de proposer sa démission comme alternative à la dissolution. « Je suis le fusible », aurait-il dit à Emmanuel Macron, selon des propos rapportés par la chaîne d’information en continu. En vain.

Contacté par Le HuffPost, le cabinet du Premier ministre n’a pas répondu à nos sollicitations pour confirmer ou infirmer ces éléments. Pas plus qu’il ne répond sur l’agenda du chef du gouvernement opour les jours et semaines à venir. Un silence qui en dit long sur le malaise qui s’est emparé de Matignon.

En sursis jusqu’au 7 juillet

Quelle sera l’implication du chef de la majorité dans la campagne législative qui démarre (officieusement) dès ce 10 juin ? Sera-t-il candidat à sa réélection dans sa circonscription des Hauts-de-Seine ? Prié de dire si l’actuel Premier ministre mènerait la campagne du camp présidentiel, un conseiller élyséen a éludé la question, affirmant simplement que tout le monde y prendrait sa part.

Le coup est rude pour celui qui était présenté par certains conseillers comme l’arme anti-Bardella au moment de sa nomination. Gabriel Attal peut toujours se réjouir de quelques petites victoires, comme le projet de loi agricole adopté à l’Assemblée. Il a aussi tenté d’imprimer sa marque sur le volet éducatif et sécuritaire, avec son fameux « Tu casses tu répares ». Mais la concrétisation des mesures (controversées) se fait toujours attendre et celui qui promettait des « actes rapides et concrets » dans son discours de politique générale de janvier est désormais contraint de ralentir.

Dans la perspective des législatives à venir, deux scénarios se profilent et aucun ne permet d’affirmer que l’actuel Premier ministre sera toujours en poste le 8 juillet, au lendemain du second tour des législatives. Le chef du gouvernement est conditionné à une victoire du camp présidentiel, avec au moins une situation de majorité relative. Dans cette configuration, Gabriel Attal a une chance d’être maintenu, mais il n’est pas pour autant assuré de faire long feu. Le projet de loi de finances 2025 doit impérativement être présenté à l’automne et avec lui resurgit la menace d’une motion de censure, d’autant plus grande si la recomposition de l’Assemblée ne se fait pas en faveur de Renaissance et ses alliés.

Le deuxième scénario est plus simple mais encore plus terrible pour le jeune Premier ministre : la cohabitation, en cas de perte de la majorité pour le camp présidentiel, et donc un nouvel arrivant à Matignon… issu des rangs du RN ? Fort de sa percée de juin 2022 et du résultat des européennes, le parti d’extrême droite croit en ses chances et a déjà choisi de faire de Jordan Bardella son champion. Si le Rassemblement national s’impose au soir du 7 juillet, Gabriel Attal sera passé en quelques mois de « l’arme anti-Bardella » au Premier ministre qui donnera les clés de Matignon à l’extrême droite. Une autre façon de rentrer dans l’Histoire.

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