Après les deux morts à Nîmes sur fond de trafic de drogue, la réponse sécuritaire de Darmanin en question

Gérald Darmanin, le 11 juillet 2023 à l’Assemblée nationale.
Gérald Darmanin, le 11 juillet 2023 à l’Assemblée nationale.

POLITIQUE - Deux morts par balles en 48 heures. Après le décès lundi d’un enfant de 10 ans, le quartier de Pissevin à Nîmes a été le théâtre d’un nouveau drame dans la nuit de mercredi à jeudi 24 août, avec la mort d’un jeune homme de 18 ans abattu par balles. Dans les deux cas, la piste du trafic de stupéfiants est évoquée.

Lundi 21 août, la plus jeune victime perdait la vie, victime collatérale d’une fusillade alors qu’il se trouvait dans la voiture d’un proche. Selon les premiers éléments de l’enquête ouverte pour « assassinat en bande organisée », le véhicule a été pris pour cible aux alentours de 23 h 30. Ce dossier est « en lien avec les trafics de stupéfiants », a confirmé la procureure de Nîmes, Cécile Gensac. En revanche, « la famille de la victime n’est absolument associée d’aucune façon, ni avant ni actuellement, dans des faits de nature pénale », elle « a eu pour seul malheur de passer au mauvais endroit au mauvais moment », a-t-elle ajouté.

Ce jeudi 24 août, les secours appelés un peu avant 04 h 00 du matin dans le même quartier ont découvert un jeune homme blessé par balles à l’abdomen, sans pouvoir le ranimer, selon le parquet de Nîmes, qui précise que les faits ont eu lieu sur « un point de deal ». La victime, qui vivait à Béziers (Hérault), était « connue des services de police et de justice », selon le parquet, et la police judiciaire de Montpellier a été « saisie des faits de meurtre en bande organisée ».

La CRS 8, brigade spécialisée

Immédiatement après la mort de l’enfant de 10 ans, la CRS-8 a été envoyée dans le quartier de Pissevin. Créée en 2021, cette brigade d’intervention est spécialisée dans la lutte contre les violences urbaines a été déployée plus d’une centaine de fois depuis le début de l’année, y compris à Marseille le 17 août dernier afin de « rassurer les habitants » et « porter des coups majeurs aux trafiquants », selon le sous-préfet du département à l’AFP.

C’est dans le même double objectif qu’elle a été mobilisée dès mardi au quartier Pissevin de Nîmes, où un homme de 39 ans avait été abattu en janvier, déjà dans une fusillade sur fond de trafic de stupéfiants.

Mais la présence des effectifs n’a pas eu l’effet escompté et à la lumière de ces drames, une partie de la classe politique a remis en question la réponse apportée par le gouvernement dans la lutte contre le trafic de stupéfiants et l’insécurité des quartiers.

Laxisme pour le RN, réponse trop partielle à gauche

« Ces gangs, cette racaille, n’ont plus peur de l’autorité de l’État et considèrent que même quand on envoie une brigade d’élite comme la CRS8, ils n’ont pas peur d’eux », tempête Jean-Philippe Tanguy, député Rassemblement National, sur BFMTV/RMC ce jeudi matin. Il estime que « le trafic de drogue n’est qu’un symptôme du dérèglement de l’État et de l’absence d‘autorité » et qu’il prospère parce que « les gangs et les dealers savent que les frontières ont été désarmées, que la police peut arrêter mais que la justice va les relâcher, que les prisons sont pleines ».

Son discours fait écho à celui du président du parti Jordan Bardella et de l’ancienne candidate la présidentielle Marine Le Pen. Le 23 août, après la mort du petit garçon, le premier ciblait « des barbares qui prospèrent grâce à l’impunité d’État et à l’impuissance politique » tandis que la seconde sommait l’État « d’agir pour protéger les Français et mettre hors d’état de nuire ces criminels. »

Si la droite extrême de l’échiquier politique appelle donc à une réponse sécuritaire et judiciaire plus forte, la gauche elle réclame que le problème soit pris sous un autre angle, pas forcément aussi sécuritaire.

Ainsi, « la CRS8 ne pourra jamais remplacer une police nationale de proximité qui assure la sécurité et la tranquillité publique », écrit le secrétaire national du PCF Fabien Roussel le 22 août. Sur le plateau de franceinfo le 23, l’eurodéputée tête de liste EELV pour 2024 Marie Toussaint renchérit. « La fermeté on peut la remettre en question (...) On envoie la CRS-8 mais la réalité c’est qu’on a délaissé les quartiers, qu’il n’y a plus de police de proximité, plus de moyens dans la police et la justice et dans le même temps on ne lutte pas contre les paradis fiscaux qui sont le lieu de blanchiment de l’argent de la drogue » souligne-t-elle.

Elle réclame ainsi une réponse double, à la fois « policière, celle de la répression » mais aussi « sociale » pour « redonner de l’avenir à ces jeunes dans ces quartiers ». « Si cet enfant est mort, c’est à cause des politiques et de la guerre que nous ne menons pas contre le trafic et les trafiquants de drogue pour rétablir l’égalité et la justice sociale dans les quartiers », assène l’élue écologiste.

Pour Darmanin, les résultats de sa lutte antidrogue « font sans doute naître des règlements de compte »

Les oppositions ne sont pas les seuls à réclamer une autre gestion. Le député MoDem du Gard Philippe Berta, tout en saluant l’intervention « obligatoire » de la CRS-8 à court terme, fait partie de ceux qui soulignent qu’elle ne sera pas suffisante pour régler la situation sur le long terme. Sur RTL le 22 août, il appelait donc à « désarmer le quartier » dans un premier temps, avant de « mettre en place une situation d’un retour de police de proximité » davantage tournée vers la prévention que la répression.

Pour autant, au sein du gouvernement, les discussions ne s’orientent pas en ce sens à ce stade. À l’issue d’une réunion de crise à Paris sur la situation à Pissevin ce vendredi, le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a vanté les résultats de la lutte contre le trafic de drogue, estimant qu’ils « font sans doute naître des règlements de compte. » « Lorsque nous mettons fin au trafic (...) il y a des réactions, une volonté de montrer que les délinquants l’emporteraient sur l’ordre républicain. Ce ne sera pas le cas », martèle-t-il devant la presse.

En parallèle, il pointe la responsabilité des consommateurs car « s’il n’y avait pas consommation, il n’y aurait pas d’offres et donc pas de trafiquants ». « C’est à la fois une lutte très forte contre les délinquants, contre ceux qui usent des armes à feu pour essayer de prendre place contre la République, mais (aussi) la responsabilité de chacun. Ce n’est pas qu’un travail de policiers, tous les Français doivent aussi se sentir concernés par la situation », assène le locataire de Beauvau, annonçant le déploiement du Raid sur place. Ce qui témoigne de sa volonté de faire monter d’un cran l’arsenal répressif.

Invitée de France Bleu mercredi 23 août, la Première ministre Élisabeth Borne a elle fait savoir qu’Emmanuel Macron « prendra une initiative d’ici la fin du mois pour échanger avec l’ensemble des responsables politiques sur la façon dont on peut agir, plus vite, plus efficacement, pour apporter des réponses aux habitants de nos quartiers ». Le ministre de l’Intérieur est lieu attendu dès vendredi à Nîmes.

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