Après la déception autour de la planification écologique, comment expliquer la frilosité de Macron sur le réchauffement climatique ?
POLITIQUE - « Sans dec ? ». Même au sein du pouvoir, la déception est palpable quant au manque d’ambitions affichées par le discours d’Emmanuel Macron sur la planification écologique lundi 25 septembre. « Ce qui est ressorti et ce qu’on constate tous c’est que ça manque de souffle », nous confie un conseiller ministériel au plus près des enjeux. Et pourtant, c’est peu dire que le chef de l’État avait fait de cette cause l’une des promesses phares de son action. Et ce, dès sa première élection.
Jeudi 1er juin 2017. Palais de l’Élysée, Paris. Réagissant à la décision de Donald Trump de sortir les États-Unis des accords de Paris, Emmanuel Macron lance, en anglais, un appel en détournant le slogan du locataire de la Maison Blanche : « Make our planet great again ». Dans une vidéo, il appelle même les scientifiques américains à venir en France, pour travailler sur « des solutions concrètes » pour le climat.
De l’optimisme vert aux crises en série
Son message devient viral et Emmanuel Macron prétend au titre de « champion de la Terre ». Nicolas Hulot, figure écolo encore épargnée par les accusations dont il fait aujourd’hui l’objet, est alors Ministre d’État de la Transition écologique et solidaire, troisième dans l’ordre protocolaire derrière Édouard Philippe, alors Premier ministre. Le président « marcheur » a débauché plusieurs figures venant des rangs écolos, comme François de Rugy, Barbara Pompili, Matthieu Orphelin et Pascal Canfin.
L’époque est à l’optimisme vert, aux promesses sur le glyphosate et à l’abandon du projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Las, les espoirs ne vont pas durer longtemps. Le 28 août 2018, Nicolas Hulot invente la démission surprise en direct à la radio, sans prévenir le chef de l’État ni le Premier ministre. L’écologiste claque la porte en dénonçant « l’écologie des petits pas » à l’œuvre au gouvernement. Le démissionnaire l’ignore, mais quelque mois plus tard, c’est l’augmentation de la taxe carbone qui va mettre le feu au pays et faire vaciller le pouvoir.
À Marseille, la promesse d’un quinquennat « écologique »
Une révolte populaire qui met Emmanuel Macron face à l’obligation de concilier la fin du monde et la fin du mois. Le chef de l’État change de braquet. Puisque les décisions verticales sont rejetées, il décide d’associer les Français à la politique environnementale, via la Convention citoyenne pour le climat, dont il promet de reprendre les propositions « sans filtre ». Ce qu’il ne fera pas, au grand dam des participants qui dénoncent un « gâchis ». Car quelque chose s’est cassé dans son volontarisme. « Aujourd’hui, il met un frein sur sa feuille de route écolo car il sent que c’est une machine à gilet jaunes », décrypte auprès du HuffPost un conseiller ministériel.
C’est peu de le dire. Alors que les membres de la Convention citoyenne préconisent un moratoire sur le déploiement de la 5G « en attendant les résultats de l’évaluation sur la santé et le climat », Emmanuel Macron répond avec une ironie un brin méprisante : « Je ne crois pas que le modèle Amish permette de régler les défis de l’écologie contemporaine ». Au-delà des petites phrases, les actes ne suivent pas. Au mois de décembre 2020 lors d’une interview à Brut, il peine à défendre son bilan écolo, alors que sa promesse de sortie du glyphosate n’a toujours pas été atteinte.
« Ce n’est pas un manque d’appétence, c’est qu’il est rattrapé par les sujets comme l’école ou la santé. Il a eu peur de passer à côté et d’être considéré comme hors sol » - Un député Renaissance
Les mois passent, et Emmanuel Macron donne l’impression de reléguer le sujet, au gré des différentes crises, sanitaires et géopolitiques, qui frappent le monde. Portée par la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili en mars 2021, la loi Climat résilience est étrillée par les défenseurs de l’environnement et les 150 citoyens de la Convention, l’ex-EELV ayant perdu quasiment tous ses arbitrages face à Bercy, comme sur la publicité sur les énergies fossiles ou l’instauration d’une taxe aux poids sur les véhicules. Alors que le sujet devient brûlant, et se hisse parfois à la première place des préoccupations des Français, Emmanuel Macron ne veut pas donner l’impression de renoncer. Durant l’entre-deux tours de la présidentielle en 2022, conscient du réservoir de voix sur sa gauche face à Marine Le Pen, il s’approprie depuis Marseille le concept de « planification écologique », théorisé par Jean-Luc Mélenchon. « Ce quinquennat sera écologique ou ne sera pas », promet-il.
« Le discours de Marseille était fort et faisait de l’écologie un axe central. Il abandonne un peu son idée, mais sans renoncer au fond. Ce n’est pas un manque d’appétence, c’est qu’il est rattrapé par les sujets comme l’école ou la santé. Il a eu peur de passer à côté et d’être considéré comme hors sol », croit savoir un député Renaissance proche d’Emmanuel Macron, persuadé que le sujet de l’écologie n’intéresse « que les Parisiens ».
« On a aujourd’hui un petit jeu qui consiste globalement à essayer de transformer l’écologie en carburant des extrêmes » - Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique
Le ministre en charge de la transition écologique, Christophe Béchu, entreprend justement un tour de France pour tenter de déminer d’avance les critiques et de faire de la « pédagogie ». Car selon l’ancien maire d’Angers, proche d’Edouard Philippe : « On a aujourd’hui un petit jeu qui consiste globalement à essayer de transformer l’écologie en carburant des extrêmes ». Une crainte partagée en haut lieu.
Raison pour laquelle la présentation du projet de planification écologiste a maintes fois été repoussée ? « En tout cas, j’ai l’impression que l’attente décuple le désir », faisait mine de plaisanter un ministre mi-septembre, alors que le plan se faisait encore attendre. L’enjeu, pour ce poids lourd de l’équipe gouvernementale, est de « trouver le récit pour embarquer tout le monde ». Difficile d’affirmer que l’objectif a été atteint, au regard des très nombreuses critiques exprimées dans la semaine. « Ok, ce n’était pas flamboyant, mais il ne veut pas que l’Etat apparaisse comme responsable et en première ligne alors qu’il y a un partage de compétences dans ce dossier, notamment avec les collectivités et les entreprises », démine une petite main du pouvoir. À se demander à quoi sert le titre de « Champion de la terre ».
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