Après le ballon chinois « espion », la stratégie de Joe Biden pour renouer avec Pékin devient mission impossible

US President Joe Biden (R) and China's President Xi Jinping (L) meet on the sidelines of the G20 Summit in Nusa Dua on the Indonesian resort island of Bali on November 14, 2022. (Photo by SAUL LOEB / AFP)
SAUL LOEB / AFP US President Joe Biden (R) and China's President Xi Jinping (L) meet on the sidelines of the G20 Summit in Nusa Dua on the Indonesian resort island of Bali on November 14, 2022. (Photo by SAUL LOEB / AFP)

INTERNATIONAL - Le début du réchauffement des relations entre Pékin et Washington a explosé en plein vol, littéralement. Après un rapprochement amorcé par la rencontre entre le président chinois Xi Jinping et son homologue américain Joe Biden en marge du G20 à Bali en novembre, la découverte d’un ballon chinois survolant les États-Unis le 2 février a ravivé les tensions entre les deux superpuissances.

Si la Chine affirme qu’il ne s’agit pas d’un ballon « espion » mais d’un « aéronef civil utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques », la découverte de cet engin volant finalement abattu ne pouvait pas tomber au pire moment. En effet, le secrétaire d’État américain Antony Blinken (équivalent du ministre des Affaires étrangères) devait se rendre à Pékin dimanche 5 février, une première à ce niveau de l’administration depuis 2018. Son voyage a été reporté sine die.

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Après la poignée de main entre les deux chefs d’État à Bali, « cette visite aurait dû être un signal de dialogue, toutes proportions gardées puisque les relations sont très tendues entre les deux pays depuis trois ans », explique Marc Julienne, responsable des activités Chine à l’Institut français des relations internationales (Ifri).

Il insiste : « Le fait qu’un officiel américain de très haut niveau se rende à Pékin, renoue des relations physiques, c’est rarissime de nos jours en raison du Covid et dans un contexte de rivalités très fortes. D’ailleurs, Blinken devait rencontrer Xi Jinping, alors que ce dernier ne parle normalement qu’à ses homologues, preuve du privilège qui était accordé au secrétaire d’État. » Et des ambitions de Joe Biden, qui voulait une relation plus apaisée avec la Chine après le mandat de Donald Trump.

« Le ballon a tout fait voler en éclats »

Des avancées étaient notamment attendues dans plusieurs domaines, comme une reprise du dialogue concernant Taïwan - la venue de l’ex-cheffe des démocrates américains à la Chambre des Représentants Nancy Pelosi sur l’île qui se revendique indépendante avait provoqué une crise diplomatique en août -, sur la tech chinoise soumise aux lourdes sanctions américaines ou encore sur le dossier ukrainien.

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La Chine avait d’ailleurs tout à y gagner, poursuit le spécialiste. « Pékin est dans une situation de vulnérabilité. Son économie a ralenti trop vite et trop rapidement, la sortie du Covid s’est faite de manière précipitée voire catastrophique et l’image du pays en a pris un coup, l’industrie des nouvelles technologies est menacée... C’est pour cette raison que Xi Jinping souhaitait construire une relation plus engageante avec ses homologues occidentaux, dont Joe Biden », détaille-t-il.

« Ce ballon fait tout voler en éclats. Non seulement la visite est annulée, mais il fait aussi retomber les relations au plus bas. Tout ce qui a été initié à Bali devient caduque », tranche Marc Julienne. Et ce malgré les « regrets » exprimés par Pékin, dont les mea culpa sont rares voire inédits.

Côté américain, tous les efforts de Joe Biden pour réparer au moins un peu la relation avec son rival tombent aussi à l’eau et il va être impossible d’y remédier dans le court terme. « Il est coincé parce que cette crise diplomatique s’est transformée en crise politique interne », analyse le chercheur spécialiste de la Chine à l’Ifri.

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Biden coincé face à l’opposition républicaine

Le président démocrate, qui prononce ce mardi 7 février son discours sur l’état de l’Union, est attaqué de toutes parts par l’opposition républicaine très hostile envers la Chine. Il est notamment accusé d’être trop faible face aux « provocations » de Pékin, et de nombreux élus estiment qu’il aurait dû abattre le ballon bien plus tôt.

« Pour une partie de l’opinion publique et l’opposition, il est inacceptable de laisser passer un tel acte alors que Pékin est l’ennemi numéro 1 qui cherche à devenir la première puissance mondiale. En fait, en prenant la décision de faire exploser le ballon, Joe Biden a plus répondu aux Républicains qu’aux Chinois », juge Marc Julienne.

« Ce qui peut être préoccupant, ajoute-t-il, c’est qu’on alimente encore le débat qui crée de la surenchère. Ce sera à celui qui préconisera les positions les plus dures, dans un contexte où le Congrès discute de du Taïwan Policy Act, qui vise à mettre à jour les relations entre l’île indépendantiste et les États-Unis. Or, plus Washington voudra aller loin dans l’affirmation de son soutien à Taïpei, plus Pékin est susceptible de répondre fortement. »

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Difficile, dans ces conditions, d’imaginer tout espoir de renouer le dialogue avec Pékin pour Joe Biden. Affaibli par ce nouveau revers, il va au contraire devoir faire preuve de fermeté envers la Chine lors de son discours sur l’état de l’Union où il défendra son bilan. Quitte à entacher un peu plus les relations sino-américaines.

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