Après l’attaque de l’Iran, pour Israël « l’absence de réaction n’est pas une hypothèse »

L’offensive iranienne, qui a pointé des centaines de missiles et de drones vers Israël samedi, ne restera pas sans réponse de l’État hébreu, assure au HuffPost Frédéric Encel, docteur en géopolitique (photo d’illustration devant une fresque de propagande à Téhéran ce lundi 15 avril).
ATTA KENARE / AFP L’offensive iranienne, qui a pointé des centaines de missiles et de drones vers Israël samedi, ne restera pas sans réponse de l’État hébreu, assure au HuffPost Frédéric Encel, docteur en géopolitique (photo d’illustration devant une fresque de propagande à Téhéran ce lundi 15 avril).

INTERNATIONAL - Une attaque inédite sur Israël. En envoyant des centaines de drones et missiles vers Israël samedi 13 avril pour riposter à la frappe contre le consulat iranien à Damas le 1er avril, l’Iran a franchi un nouveau cap. Déjouée à 99 % grâce à l’intervention de plusieurs alliés d’Israël, selon Tsahal, l’offensive iranienne ne restera pas sans réponse de l’État hébreu, assure au HuffPost Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférences à Sciences Po.

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Mais sous quelle forme ? Le spécialiste, auteur de Les 100 mots de la guerre (éd. PUF), donne plusieurs pistes en s’appuyant sur le mode opératoire de l’armée israélienne. Tout en excluant à ce stade une attaque directe de Tsahal sur le sol iranien.

Le HuffPost : « L’affaire peut être considérée comme close », a déclaré la représentation de l’Iran à l’ONU cette nuit. Israël peut-il considérer que l’incident est clos ?

Frédéric Encel : Non, l’absence de réaction n’est pas une hypothèse pour Israël, dont la crédibilité dissuasive est une assurance-vie absolue. Particulièrement depuis le pogrom du Hamas du 7 octobre, qui a mis en doute les capacités des services de renseignement israéliens. Et c’est d’autant plus vrai que l’Iran est très fortement soupçonné – c’est un euphémisme – de mener un programme de nucléarisation. Israël ne peut donc pas ne pas réagir.

Deux jours après l’attaque iranienne, l’hypothèse d’une riposte « à chaud » de l’État hébreu, vraisemblablement souhaitée par certains membres du gouvernement de droite et d’extrême droite de Benjamin Netanyahu, semble s’éloigner…

Elle n’aura pas eu lieu. Maintenant que toutes les alertes ont été levées et les frappes évitées pour la plupart, une riposte israélienne entraînerait inévitablement une nouvelle offensive iranienne.

Quelle forme pourrait alors prendre la riposte israélienne aujourd’hui ?

Pour moi, les Israéliens vont maintenir leur tradition en réagissant de façon espacée dans le temps et dans la nature des cibles.

Les services de renseignement israéliens mènent depuis une grosse décennie, sur le sol iranien, des opérations non revendiquées qui portent préjudice au programme nucléaire de Téhéran. Par ailleurs, depuis le 7 octobre, l’armée de l’État hébreu a mené de nombreuses frappes visant le Hezbollah – bras armé de l’Iran – au Liban ou en Syrie, ou le régime iranien lui-même avec comme point culminant la frappe sur l’annexe du consulat à Damas du 1er avril dernier qui a tué le général des gardiens de la Révolution Mohammad Reza Zahedi.

Je crois donc à un accroissement du rythme de ces offensives et du nombre de cibles, sachant que les frappes israéliennes au Liban ou en Syrie sont menées au moins à un rythme hebdomadaire depuis six mois.

Une riposte frontale, avec des frappes israéliennes sur l’Iran, est-elle envisageable ?

Techniquement, oui. On peut imaginer des frappes sur les installations portuaires iraniennes, par exemple. Mais à ce moment-là, Israël prendrait la responsabilité de déclencher une crise énergétique, politique et surtout militaire mondiale.

L’Iran – qui resterait à coup sûr isolé face à une telle attaque malgré le soutien, sur le papier, de la Russie –, riposterait évidemment en frappant Israël. Mais Téhéran tenterait également de bloquer le détroit d’Ormuz [situé entre le golfe Persique et le golfe d’Oman] pour paralyser les exportations des pays pétroliers, notamment ceux signataires des accords d’Abraham avec Israël, à savoir les Émirats arabes unis et Barheïn. On risquerait d’avoir alors un baril de brut à 150 ou 200 dollars. Et personne ne veut de cela.

Pour l’instant, on n’est donc pas dans cette configuration. Et Israël a renoncé assez rapidement à cette possibilité, si tant est qu’elle ait été envisagée.

De manière générale, l’attaque perpétrée par Téhéran augmente-t-elle la menace que le régime iranien fait peser sur la région ?

D’un point de vue stratégique, l’Iran a toujours fait preuve, jusqu’à présent, d’un relatif pragmatisme et d’une prudence inversement proportionnels à la barbarie et fanatisme dont le régime fait preuve à l’égard de sa propre population. Mais plus vous être menacé en interne, plus vous avez tendance à pointer le doigt ou vos missiles vers des cibles extérieures. Or le régime aujourd’hui est menacé en Iran. C’est la raison pour laquelle le régime est particulièrement dangereux aujourd’hui.

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