Antilles: le Conseil de l'Europe saisi par des associations sur l'accès à l'eau et le chlordécone

Plusieurs associations ont annoncé ce jeudi 21 mars avoir saisi le Comité européen des droits sociaux (CEDS), organe du Conseil de l'Europe, pour exiger de la France l'amélioration de l'accès à l'eau en Guadeloupe et des réparations pour le scandale de pollution au chlordécone aux Antilles.

La Fédération internationale des droits de l'Homme (FIDH), soutenue par la Ligue des droits de l'Homme (LDH) et l'association antillaise Kimbé Rèd FWI, dit souhaiter mettre fin à des "inégalités historiques" entre les territoires d'outre-mer et l'Hexagone et faire respecter les droits fondamentaux des Ultramarins.

Dysfonctionnements en série

"Aux Antilles, particulièrement en Guadeloupe mais aussi en Martinique, on connaît depuis des années des violations extrêmement graves d'un certain nombre d'obligations (...): le droit à l'environnement sain et à l'eau potable, le droit à la protection de la santé", a résumé lors d'une conférence de presse Patrick Baudouin, président de la LDH.

"Ce qui se passe aujourd'hui aux Antilles, personne ne le supporterait sur le territoire métropolitain", a-t-il poursuivi.

En Guadeloupe, de nombreux dysfonctionnements dans la gestion du réseau de distribution et des eaux usées entraînent une situation catastrophique de la distribution d'eau potable, et de très nombreuses coupures chez les usagers.

Une réponse de l'État "trop lente"

Le chlordécone, un pesticide utilisé jusqu'en 1993 malgré les alertes sur sa dangerosité, a lui durablement contaminé les sols et les eaux de Martinique et Guadeloupe. Il est encore aujourd'hui détecté chez 90% de la population.

"La réponse de l'État reste très lente et très insuffisante", selon Sabrina Cajoly, la fondatrice de Kimbé Rèd FWI, rappelant qu'en février 2024 seulement 60 personnes avaient été indemnisées pour les préjudices liés au chlordécone.

Les coupures d'eau et la non-potabilité de l'eau "affectent toute la population, mais aussi les institutions publiques", a-t-elle aussi rappelé durant la conférence de presse : "Ce sont plus de 380.000 personnes affectées quotidiennement par cette violation du droit à l'eau potable".

Des "actes de malveillances" affectent de surcroît la distribution de l'eau potable en Guadeloupe, sur fond de grève du SMGEAG, le syndicat mixte de gestion de l'eau et d'assainissement de la Guadeloupe, a-t-on appris, jeudi, de sources concordantes. Ces coupures ont impacté le CHU, et provoqué la fermeture de plusieurs établissements scolaires.

Des "dégradations"

Si la Guadeloupe connaît régulièrement des coupures d'eau, certains quartiers habituellement épargnés sont cette fois, impactés.

Dans un communiqué jeudi, "le préfet condamne fermement les dégradations et actes de malveillances réalisés à l'encontre des infrastructures de distribution et de potabilisation de l'eau du SMGEAG" qui "vont fortement impacter la distribution de l'eau et entraîner des manques d'eau sur plusieurs communes".

Le CEDS ne peut pas condamner la France mais peut exiger des mesures urgentes pour, par exemple, pallier les coupures ou la non-potabilité de l'eau en Guadeloupe.

Une interrogation reste toutefois la recevabilité du recours: il est fondé sur la Charte sociale européenne, ratifiée par la France mais qui s'applique uniquement pour les territoires métropolitains. L'État a toujours refusé d'explicitement spécifier qu'elle s'applique également aux territoires ultra-marins, selon Sabrina Cajoly.

Elle a précisé que la durée moyenne d'examen devant le CEDS est de deux à trois ans.

Article original publié sur BFMTV.com