Antibiotiques: pourquoi la pénurie d'amoxicilline perdure dans certaines pharmacies

La pénurie se poursuit. Alors que la période des infections respiratoires et autres épisodes épidémiques est installée, les patients ont de plus en plus de mal à se procurer certains antibiotiques, en rupture de stock dans plusieurs pharmacies. Parmi eux, l'amoxicilline, dont la solution buvable est la plus utilisée afin de soigner les jeunes enfants, par exemple touchés par des angines bactériennes.

Comme le rappelle Le Parisien, en marge d'une réunion avec le ministre de la Santé Aurélien Rousseau, Philippe Besset, président de la fédération des syndicats pharmaceutiques de France, indiquait que 60% des officines n’ont pas ou quasiment pas d’amoxicilline.

Les pharmaciens alarment

Dans de nombreuses pharmacies françaises, la colère gronde. Auprès de BFMTV, Éric Myon, pharmacien titulaire, évoque une situation "pire que celle de l’hiver dernier."

"L’hiver dernier, on était face à une rupture d’antibiotiques, essentiellement l’amoxicilline dans sa version pédiatrique, puis dans sa version adulte. Là, alors qu’on est même pas mi-décembre, les besoins en antibiotiques sont encore supérieurs à l’année dernière et les stocks sont encore plus faibles", dit-il.

Selon lui, cette situation est également responsable d'une surcharge de travail pour les pharmaciens touchés par cette pénurie.

"Ça représente quasiment une à deux heures de temps pharmacien perdu à rechercher auprès de notre quatre grossistes répartiteurs les soi-disant produits que nos autorités sanitaires et laboratoires industriels disent disponibles, et qui ne le sont pas du tout", précise-t-il.

Une rétention des industriels?

Quelle est l'origine de ce manque? Invitée sur BFMTV, Béatrice Clairaz-Mahiou, présidente du syndicat des pharmaciens des Hauts-de-Seine l'assure: il "n'y a pas une seule explication."

"80% des principes actifs sont fabriqués en Inde et en Chine et la demande mondiale a explosé, ils ont gardé leur matière première. Il y a aussi un problème sur les conditionnements, il y a du flaconnage, de l'emballage et des problèmes sur ces chaînes de fabrication. Il y a aussi des stocks qui n’arrivent pas", pointe-t-elle.

Pourtant, et c'est là que le bât blesse, ces antibiotiques, amoxicilline en tête, sont bel et bien disponibles en grande quantité chez les industriels, signale l'ANSM. Pourquoi alors, en bout de chaîne, les pharmaciens mettent parfois jusqu'à une semaine à se fournir chez leurs grossistes, qui ont également peu de stocks?

Une situation ubuesque pour laquelle Pierre-Olivier Variot, président de l’Union des Syndicats des Pharmaciens d’Officine, confirme les chiffres. "On est sur des volumes de sorties de médicament en 2023 qui sont à peu près identiques à celles de 2019, or en 2019 il n’y avait aucune rupture. On a l’impression qu’il y a un blocage des stocks chez les industriels", pointe-t-il.

Selon lui, certains laboratoires n'hésitent pas à tenter de profiter de la situation et de vendre directement les médicaments aux pharmaciens, de manière détournée.

"Il y a même parfois des chantages aux médicaments qui se font. Moi il y a un laboratoire qui est venu me dire ‘j’ai des stocks d’amoxicilline, si vous me commandez pour 10.000 euros de médicaments, je vous en livre'", révèle-t-il.

Autogestion et "New Deal"

Face à ces ruptures, les pharmaciens sont bien forcés de s'adapter et de fabriquer eux-mêmes leurs antibiotiques. Éric Myon souligne que son officine fait partie de 41 pharmacies qui "sous-traitent ces préparations pour l’ensemble des pharmacies de France."

"On a fait 6.000 gélules d’amoxicilline aujourd’hui, ce qui va permettre de réaliser 400 petites boîtes de 15 gélules", liste-t-il.

Lancée en janvier passé, une mission interministérielle, missionnée par Matignon, a appelé en août dernier à effectuer un "New Deal" de toute la chaîne pharmaceutique, qui irait des industriels jusqu'aux patients, afin de se prémunir de ce genre de situations.

Article original publié sur BFMTV.com