Anthony Martin's Misse, entrepreneur, athlète et non-voyant : "Je suis passé 130 fois sur le billard"

Changer le regard sur le handicap et transmettre un message fort en faveur de l’inclusion, c’est l’ambition de "Différent.e.s". Pour l’incarner, qui mieux que Salim Ejnaïni : cavalier de Jumping, sportif, conférencier, entrepreneur… et non-voyant ? Comment vit-on avec une "différence", comment apprend-on à s'accepter soi et à accepter le regard de l'autre ? Parcours cabossés, destins contrariés et incroyables leçons de vie : Salim Ejnaïni recueille les témoignages de nos invités extra-ordinaires. Des histoires fortes et inspirantes autour de la résilience et du vivre-ensemble…

Entrepreneur et athlète de haut niveau, Anthony Martins Misse n’a aucune limite. Cet homme de 34 ans, dont le parcours de vie a été jonché d’obstacles, est non-voyant depuis ses sept ans, un handicap qui ne l’empêche pas de rêver et de "vivre ses rêves". Pour Yahoo, il a accepté de raconter son histoire, se livrant sur son invalidité et sur la façon dont il parvient quotidiennement à vivre avec. Une vraie leçon de vie.

Son handicap, Anthony Martin's Misse ne le voit plus comme une barrière mais davantage comme une motivation. Chef d’entreprise et judoka paralympique, ce jeune homme de 34 ans n’a jamais cessé de se battre pour réaliser ses rêves. Pour Yahoo, il a accepté de se livrer sur son histoire, un parcours de vie inspirant loin d’être apparenté à un long fleuve tranquille. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

Dès les premiers instants de sa vie, Anthony se heurte à des problèmes de santé. À ses 11 jours, on lui détecte un glaucome congénital, une maladie rare causée par une augmentation de la pression dans l’œil. De là, commence sa descente aux enfers. "Je suis passé 130 fois sur le billard", confie-t-il expliquant avoir perdu son œil gauche à l’âge de quatre ans et son œil droit à ses sept ans. Un véritable coup de massue pour ce jeune garçon dont l’énergie est fulgurante. "Je le vis très mal, je n’y étais pas préparé", se remémore-t-il.

Inconsolable, il ne veut pas se résigner à perdre la vue mais doit, petit à petit et à contrecœur, dire adieu à certaines de ses ambitions. "Je voulais être chirurgien. Il fallait accepter le fait que je ne le serai jamais", explique-t-il tout en précisant avoir fait une grosse dépression à l’âge de 11 ans. La phase d’acceptation vient bien plus tard, peu après ses 30 ans.

VIDÉO - "Je ne m’interdis rien, j’aime que les rêves prennent vie"

Déterminée à vivre sa vie comme il l’entend, Anthony ne se laisse pas abattre pour autant. Les blocages, il n’en a que faire. "J’aime que les rêves prennent vie, je ne m’interdis rien", confie-t-il. Depuis son plus jeune âge, il canalise son énergie en pratiquant le judo, une activité sportive qu’il mène à haut niveau. Membre de l’équipe de France de judo paralympique et vainqueur de deux titres de champion du monde junior, il finit toutefois par mettre un terme à sa carrière en 2007.

Mais c’est une tout autre activité qui le remplit de joie, celle d’être papa. "C’était un rêve ; toute ma vie, j’ai voulu l’être", rappelle-t-il tout en énumérant certains des avantages de la paternité. "Un enfant, c’est génial et ça t’apprend beaucoup de choses sur toi. Ça te force à être rigoureux et à ne pas penser qu’à toi", explique ce papa dont l’envie d’aimer et de transmettre est débordante.

VIDÉO - "La société sait me rappeler que j’ai des devoirs. Moi, j’essaie de lui rappeler que j’ai des droits"

Et si l’amour de sa fille est le plus important, certaines situations le ramènent parfois à la dure réalité. Le 6 mars dernier par exemple, le trentenaire a été agressé par un chauffeur Uber qui refusait de le transporter avec son chien guide dont il ne se sépare jamais. Une scène qu’il avait prédit et qu’il a réussi à filmer.

Pour lui, il est plus qu’essentiel de pointer du doigt ce type de comportement afin qu’aucune autre personne vienne à les subir à l’avenir. "Certains de nos concitoyens non-voyants acceptent ces situations sans jamais rien dire", déplore-t-il mettant en lumière la "résignation" dont ils font généralement preuve. "Je pense qu’ils sont fatigués. Je ne leur jette pas la pierre. Moi en revanche, je suis combattif et donc, je continuerai à me battre jusqu’à ce que la vie me permette de respirer", explique-t-il.

VIDÉO - "Il y a un manque d’humanité criant. Le handicap, c’est juste une particularité"

Comme il l’explique, il regrette notamment que les lois existantes ne soient pas appliquées. Il évoque par exemple l’article 88 de la loi du 30 juillet 1987, relative à l’acceptation des chiens guides d’assistance. "Aujourd’hui, cette loi n’est pas respectée, notamment dans les transports. Force est de constater qu’il y a encore plein de choses qui déconnent", regrette-t-il déplorant en parallèle un manque d’humanité "criant". Anthony ne cesse de le rappeler : le handicap n’est pas une catégorie de personnes. "C’est juste une particularité qui nous contraint à faire différemment dans certaines situations".

Pour lui, personne n’est à l’abri. Et les chiffres le rappellent. Au total, 20% de la population déclarée serait concernée par le handicap. Et "en 2030, un Français sur deux se déclarera dans une situation invalidante ou incapacitante", déclare-t-il. D’après ses chiffres, chacun d’entre nous passerait sept ans de sa vie en situation de handicap. "J’essaie de rappeler ces éléments aux personnes qui ont beaucoup de mépris et de préjugés sur cette question", confie-t-il rappelant au passage l'importance de la solidarité car "ça n’arrive pas qu’aux autres".

VIDÉO - "Égalité des chances, tu as le droit de venir travailler"

Bienveillant, Anthony a pour mission d’aider les personnes dont le chemin de vie est compliqué ou similaire au sien. Pour cela, il a créé le syndicat national des personnes handicapées, rebaptisé par la suite "France Vision". "Le syndicat, c’est une solution qui, jusqu’alors, n’existait pas et qui vient compléter un dispositif associatif qui s’occupe de beaucoup de choses et peut-être d’un peu trop de choses", explique-t-il, regrettant que le gouvernement ne prenne pas assez ce sujet à bras le corps. "Le sujet de l’emploi n’est malheureusement pas assez pris en compte, notamment chez les déficients visuels."

Retrouvez en intégralité l'interview d'Anthony Martin's Misse