« Annie Colère » rappelle que la loi Veil doit beaucoup aux féministes

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Aurora Films/Local Films laure calamy

CINÉMA - Moins d’une semaine après le vote de l’Assemblée nationale en faveur de l’inscription du droit à l’avortement dans la Constitution, l’IVG continue son incursion sur nos écrans. Et notamment avec la sortie en salles, ce mercredi 30 novembre, du nouveau film de l’actrice et réalisatrice Blandine Lenoir, Annie Colère.

Loin du récent biopic consacré à Simone Veil avec Elsa Zylberstein, le long-métrage de la cinéaste (Zouzou, Aurore) revient sur un chapitre essentiel de la lutte sociale ayant mené à la loi légalisant l’IVG en 1975, celui des militantes féministes du Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception dans les années 1970.

Annie Colère, jouée par Laure Calamy (Dix pour cent, Antoinette dans les Cévennes), est une ouvrière dans une usine de matelas. Elle est enceinte. Déjà maman de deux enfants, pas question d’en avoir un troisième.

À l’époque d’Annie, l’avortement est encore illégal, mais se pratique de manière clandestine, notamment grâce au MLAC qui, depuis son lancement en 1973, propose une méthode sans danger pour la santé des femmes, la méthode dite de Karman. Simple et peu coûteuse, elle consiste à aspirer le contenu de l’utérus.

Découvrez ci-dessous la bande-annonce d’Annie Colère :

Annie, d’abord hésitante, saute le pas et approche un groupe de bénévoles du MLAC (Zita Henrot, Rosemary Standley, India Hair). La rencontre avec les militantes, qui lui viennent alors en aide, est décisive. Elle va marquer un tournant dans la vie d’Annie, bien décidée à dénoncer l’hypocrisie du gouvernement en pratiquant au vu et au su de tous ces avortements.

Des actions essentielles

Dans le film, comme dans la vraie vie, les initiatives du MLAC ont été déterminantes. Les voyages organisés vers les Pays Bas pour celles qui avaient dépassé les huit semaines de grossesse peuvent en témoigner. Le maillage de lieux « safe » à travers à la France pour permettre aux femmes d’échanger librement et de découvrir une autre vision de leur corps ou de leur sexualité, aussi.

Comme le pointait du doigt sur Twitter l’historienne spécialiste des révolutions Mathilde Larrere ici, ces actions ont permis, à l’époque, de réduire drastiquement le nombre de décès liés aux avortements clandestins. Ces mêmes actions, parce qu’elles avaient pris une ampleur nationale, ont fait la Une des grands journaux. Sous pression devant les centaines de bénévoles, qui pratiquaient des avortements sûrs ne nécessitant ni cadre hospitalier ni médecin, le gouverment promulgue, en février 1975, la loi légalisant l’IVG.

Et pourtant, la trace du MLAC dans les livres d’Histoire est discrète. « Quand j’étudiais la loi Veil à l’école, ma mère était choquée, souffle Laure Calamy au HuffPost. Elle trouvait ça incroyable qu’on ne nous apprenne pas les pressions qu’il y avait eues et que le gouvernement n’avait pas d’autre choix que de faire passer la loi, tellement la désobéissance civile prenait de l’ampleur. »

« Ça change une société »

« Il y a eu une mobilisation dingue », poursuit Blandine Lenoir, selon qui « toutes les avancées sociétales sont venues du peuple ». Son film le rappelle. « On aime bien écrire un roman national avec des grands personnages emblématiques. Puis après, on les accole à des noms de rue ou de statues », estime la cinéaste.

Elle précise : « Évidemment que Simone Veil a fait un boulot incroyable et ce n’est pas du tout ce que je remets en cause. Par contre, c’est pas mal de se souvenir comment les lois nous arrivent. Ce ne sont pas les ministres qui se réveillent un matin en se disant qu’ils vont changer la vie des gens. »

Laure Calamy partage cet avis. « Sans le MLAC, la loi aurait mis encore plusieurs années avant de passer », continue l’actrice, alors même « qu’on était, en France, déjà en retard par rapport à plein de pays d’Europe ». Au Royaume-Uni, par exemple, l’IVG est légal depuis 1967.

Blandine Lenoir, elle, veut inscrire le combat du MLAC dans la mémoire collective, au même titre que les autres luttes sociétales importantes. « C’est une lutte fondamentale, continue-t-elle. Les enfants qui naissent aujourd’hui sont, a priori, plus aimés que ceux qui naissaient à cette époque. Ça fait une génération d’enfants désirés. Ça change une société. » La colère, et pas seulement celle d’Annie, a du bon.

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