La gauche et Hidalgo font barrage à Kosciusko-Morizet à Paris

PARIS (Reuters) - Paris a fait exception dimanche en étant une des rares villes à résister à la droite aux élections municipales, avec la victoire des listes emmenées par la socialiste Anne Hidalgo, appelée à devenir la première femme maire de la capitale française. Selon des estimations CSA de fin de soirée, Anne Hidalgo obtient 53,5% des voix contre 43,9% aux à sa rivale Nathalie Kosciusko-Morizet, qui a échoué à faire basculer la ville comme elle a perdu son pari de reconquérir le XIVe arrondissement. Un succès était nécessaire à la candidate UMP dans cet arrondissement dit "clé" parce qu'il pèse au Conseil de Paris, dont les 163 membres élisent le maire. Elle y a été battue par la socialiste Carine Petit, avec un peu moins de 47% des voix. Anne Hidalgo, devancée au premier tour par "NKM" mais qui s'est vite unie aux écologistes, disposera d'une large majorité parce qu'elle a conservé les deux arrondissements pivots, le XIIe et donc le XIVe. Ses listes auraient, selon les projections des instituts CSA et Ifop, entre 93 et 96 sièges contre 65 à 70 à celles de sa rivale au Conseil de Paris. Les écologistes y compteront un contigent nettement plus élevé que les six dernières années. "Ce soir, Paris a gagné (...) c'est la victoire du respect des Parisiens rencontrés, écoutés, consultés (...) le respect de Paris, de son histoire, de sa complexité, de sa diversité, de sa grandeur", a-t-elle dit à son siège de campagne, saluant l'oeuvre de son prédécesseur et mentor Bertrand Delanoë. Dans son programme "Paris qui ose", Anne Hidalgo promet notamment de créer 30% de logements sociaux d'ici 2030 et de transformer 200.000 m2 de bureaux en résidence. ZÉRO DIESEL EN 2020 Elle se fixe un objectif "zéro diesel" à l'horizon 2020, prône l'expansion des véhicules électriques, propose d'étendre certaines lignes de métro et un quartier serait réservé aux piétons dans chacun des vingt arrondissements. Son adversaire l'a appelée pour la féliciter et l'UMP, qui avait dirigé Paris avec Jacques Chirac puis Jean Tibéri, va devoir faire le bilan d'une campagne qui n'a pas été assez bonne pour profiter de la vague bleue en France. "Il n'y a pas de résignation, nous pouvons et nous gagnerons un jour Paris mais nous tirerons ensemble les leçons de cet échec-là. A partir de cet échec-là, nous pouvons reconstruire, mais il est collectif", a dit Pierre-Yves Bournazel, tête de liste UMP dans le XVIIIe arrondissement, sur France 3. "Je crois qu'il faudra nous interroger collectivement pour la suite sur la sociologie parisienne, sur nos réponses, car c'est collectivement qu'on va réfléchir à ça." Anne Hidalgo, elle, a trouvé la récompense d'une carrière bâtie pierre à pierre, avec une patience et une détermination d'airain, jusqu'à gagner sa "ville fantasme" qu'elle a préférée à un portefeuille ministériel il y a 18 mois. La "dauphine", née en Andalousie en 1959, immigrée en France à deux ans et installée dans le XVe arrondissement depuis ses débuts professionnels comme inspectrice du travail, a pris l'ascendant sur ses rivaux de son camp "sans en avoir l'air". STARS ET CONCIERGES Militante PS depuis 1994, membre du cabinet de Martine Aubry au ministère de l'Emploi en 1997, elle rencontre Bertrand Delanoë deux ans plus tard. Il lui conseille de labourer le terrain et de tisser des alliances qui lui servent aujourd'hui. "Etre maire de Paris, c'est aimer les concierges et les stars, parce que les concierges sont les stars de notre quotidien!", lançait-elle récemment lors d'un meeting. Un incident, en octobre 2002, a décidé d'un destin qui s'esquissait à l'ombre du maire de Paris, dont elle a été la première adjointe pendant treize ans. Bertrand Delanoë, poignardé par un déséquilibré, est hospitalisé dans un état grave. Elle prend les rênes de la municipalité, affichant une inébranlable loyauté face aux appétits naissants. Lui l'adoube. "C'est un main de fer dans un gant de velours", entend-on souvent au sujet d'Anne Hidalgo, qui est mère de trois enfants. Ses partisans la jugent "bosseuse" et "battante", au prix de "colères froides". Ses détracteurs la disent "sectaire", "cassante" ou "méprisante". Elle dit être plus à son aise dans la politique locale et a sans doute bénéficié de sa liberté de ton, n'ayant pas hésité à marquer sa différence avec un exécutif national lourdement sanctionné dimanche. (Grégory Blachier, avec Sophie Louet, édité par Yves Clarisse)