Anne Hidalgo et la primaire à gauche, seulement un coup d'épée dans l'eau?

Anne Hidalgo, photographiée à Lille le 23 octobre.  (Photo: Pascal Rossignol via Reuters)
Anne Hidalgo, photographiée à Lille le 23 octobre. (Photo: Pascal Rossignol via Reuters)

POLITIQUE - Un peu comme un joueur de poker qui ferait tapis avec deux cartes faibles et dépareillées. Mercredi 8 décembre sur TF1, Anne Hidalgo a remis en jeu sa candidature à l’élection présidentielle, en proposant à ses concurrents de gauche de passer par une primaire. Une proposition surprise refusée quasiment dans la foulée par l’ensemble des forces politiques concernées, des écologistes aux insoumis en passant par les communistes.

À ce stade, seul Arnaud Montebourg joue également (et à sa façon) la carte unitaire à gauche, dans un contexte où l’hypothèse Christiane Taubira apparaît aux yeux de certains comme un recours souhaitable. Problème, cet appel à l’union arrive un peu tard. Pire, il arrive dans un contexte où les sondages alarmants s’enchaînent pour la candidate socialiste, ce qui donne à cette proposition des allures de “sauve-qui-peut”, alors que le Parti socialiste regardait jusqu’alors d’un œil distant la Primaire populaire, cette initiative citoyenne qui plaide depuis des mois (dans le désert) pour une candidature unique à gauche.

Dans Le Monde, Anne Hidalgo justifie son coup de poker par la gravité de la situation. “On est encore dans les temps pour créer un électrochoc. Si je ne posais pas un acte comme celui-là, il y a le risque que plus rien n’existe à gauche”, a-t-elle expliqué à ses proches. Sur le constat, difficile d’être en désaccord. Comme le montre notre compilateur de sondages ci-dessous, tous les candidats de gauche sont en baisse, alors que le débat est largement dominé par la droite et l’extrême droite. Le total réalisé par Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot et Anne Hidalgo dépasse à peine 20%, le plus petit score depuis septembre.

“Secouer le cocotier”

“Il y a une volonté de sursaut de sa part. N’importe quel responsable politique de gauche ne peut rester insensible après le discours de Zemmour à Villepinte ou le score de Ciotti au premier tour de la primaire LR. Elle a voulu secouer le cocotier, et il valait mieux le faire maintenant. Le deuxième tour de la primaire de la gauche en 2017, c’était le 29 janvier”, observe pour Le HuffPost un cadre du PS, qui souligne que la campagne de Yannick Jadot est tout autant “cataclysmique” que celle de la candidate socialiste.

“La vérité, c’est que tous se regardent descendre, alors que l’extrême droite menace”, ajoute-t-il, décelant dans le refus exprimé par les écolos et les insoumis “la seule volonté de tuer le PS en vue de l’après présidentielle”. C’est d’ailleurs, certes en d’autres termes, peu ou prou ce qu’a déclaré le patron d’EELV Julien Bayou, après la proposition faite par Anne Hidalgo, pointant sur Twitter “l’incapacité du PS à être une force motrice”. Comme si la candidature de Yannick Jadot, qui végète entre 6% et 8%, avait de quoi, à ce stade, créer un enthousiasme automatique chez les électeurs socialistes.

Malgré l’accueil glacial de sa proposition chez ses concurrents de gauche, Anne Hidalgo a toutefois réussi à attirer l’attention sur cette partie moribonde de l’échiquier politique. Car, et c’est un fait rarissime dans cette campagne présidentielle, les matinales étaient dominées par des personnalités de gauche ce jeudi 9 décembre, de Yannick Jadot sur Europe1 à Olivier Faure sur France inter en passant par Éric Coquerel sur RTL et Fabien Roussel sur Franceinfo. Par ailleurs, le hashtag #PrimaireDeLaGauche figurait parmi les sujets les plus discutés sur Twitter, avec plus de 1300 occurrences depuis mercredi soir.

Autre avantage de ce all in politique: l’évacuation quasi instantanée de la question gênante de son maintien dans la course présidentielle, puisque sa proposition lui permet d’apparaître comme celle qui joue la carte responsable d’un rassemblement arbitré par les électeurs de gauche, quand le refus de ses semblables pourra être perçu comme l’obstination d’une périlleuse aventure en solo malgré le risque, pour la quatrième fois de l’histoire de la Ve République, de voir la gauche absente du second tour de l’élection présidentielle au profit de l’extrême droite.

Un message reçu 5/5 par les militants de la Primaire populaire, puisqu’ils ont prévu d’organiser des sit-in devant les QG de campagne des candidats de gauche pour les inciter à rejoindre la maire de Paris dans sa démarche. Car si tous ont refusé quasi-automatiquement la proposition d’Anne Hidalgo, les jours qui viennent pourraient jouer pour la maire de Paris, si la spirale sondagière dans laquelle sont englués les candidats de gauche se poursuit. Ce qui donnerait plus de poids à l’option d’un rassemblement et rappellerait qu’en politique, comme au poker, il faut attendre que toutes les cartes soient sur la table pour savoir si le coup est réussi.

À voir également sur Le HuffPost: Anne Hidalgo veut doubler leur salaire? Ces profs ne croient pas à ses “promesses à la noix”

Cet article a été initialement publié sur Le HuffPost et a été actualisé.

LIRE AUSSI