En Angleterre, une ville se rebiffe pour sauver ses apostrophes

Voilà une anecdote qui ravira les linguistes, les fous d’orthographe, les dingos de la typo. Un jour, “Malcolm Wood, un professeur d’anglais du Yorkshire du Nord, a eu un sursaut en passant dans la rue tranquille de St. Mary’s Walk”, raconte The New York Times.

Non, Malcom ne rêvait pas. Sur le panneau de rue de la ville de Harrogate, l’apostrophe de “Mary’s” s’était bel et bien volatilisée. Exit, la fameuse apostrophe suivie d’un s qui marque le possessif dans la langue de Shakespeare.

Le “scandale” a véritablement éclaté lorsqu’un habitant a contacté le journal de la ville, Stray Ferret, pour se plaindre de cette erreur. Erreur qui s’est avérée être… volontaire. “Le conseil du Yorkshire du Nord va supprimer les apostrophes sur les panneaux”, expliquait le site d’information en avril 2024.

“Vandalisme culturel”

La raison officielle ? Restreindre “l’utilisation de signes de ponctuation et de caractères spéciaux […] pour éviter d’éventuels problèmes lors de recherches sur une base de données, car ces signes possèdent un sens particulier en informatique”, explique un porte-parole du conseil à The Guardian.

Qu’à cela ne tienne. Jouant les justiciers, un habitant de la ville a bien vite redessiné l’apostrophe manquante au feutre noir. L’affaire aurait pu en rester là, mais c’était sans compter sur la mobilisation locale. Très remonté, M. Wood s’insurge auprès du New York Times :

“Si on se débarrasse de l’apostrophe, qu’est-ce que ce sera après ? La virgule ? Le point ? On va juste utiliser des émojis ?”

Au début de mai, l’affaire a pris de nouvelles proportions quand Andrew Jones, député de la circonscription de Harrogate et Knaresborough, a envoyé une lettre au conseil au nom de ses administrés.

Il faut dire que, pour certains puristes, comme Bob McCalden, président de la très britannique Société de protection de l’apostrophe, cette suppression relève tout bonnement du “vandalisme culturel”, cite le New York Times.

Aussi utile qu’une “fourchette à poisson”

Mais, pour le professeur de linguistique John McWhorter, interrogé par le quotidien américain, l’apostrophe n’a rien d’indispensable à la compréhension d’une phrase. Les apostrophes, assure-t-il, sont les “fourchettes à poisson de la ponctuation”. “Elles sont là, on ne sait pas très bien comment les utiliser ; on est presque sûrs de mal les utiliser.” Il y voit un marqueur social, “une façon de plus de mépriser les personnes qui n’ont jamais vraiment maîtrisé its [‘son’ ou ‘sa’] et it’s [‘c’est’]”.

[...] Lire la suite sur Courrier international

Sur le même sujet :