En Angleterre aussi, la transition des mineurs trans a fait débat

La loi LR débattue au Sénat sur les mineurs trans est similaire à la décision du NHS en Angleterre.
DBenitostock / Getty Images La loi LR débattue au Sénat sur les mineurs trans est similaire à la décision du NHS en Angleterre.

LGBT + - C’était une première historique au Festival de Cannes : Karla Sofía Gascón, femme transgenre, s’est vue remettre le prix d’interprétation féminine. Mais plutôt que de saluer le talent de l’actrice, Marion Maréchal, tête de liste Reconquête aux élections européennes, s’est fendue d’un commentaire transphobe sur X, le 26 mai. Avant d’en remettre une couche sur les plateaux de Télématin et France Inter les jours suivants. Six associations ont annoncé avoir porté plainte pour « injure transphobe ».

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Ces dernières sorties illustrent la récupération par la droite et l’extrême droite des questions de transidentités. Avec comme point d’orgue, l’arrivée au Sénat ce mardi 28 mai d’une proposition de loi des Républicains visant à interdire les traitements hormonaux et les actes chirurgicaux de réassignation sexuelle avant l’âge de 18 ans. Si le texte prévoyait dans un premier temps l’interdiction pure et simple des bloqueurs de puberté, des traitements hormonaux et des actes chirurgicaux avant l’âge de 18 ans, un amendement est revenu sur le premier point. Les bloqueurs seraient finalement autorisés pour les mineurs, à condition que ces derniers soient suivis depuis deux ans.

Le cas de l’hôpital Tavistock

La France n’est pas la seule à avoir eu récemment à débattre du sujet, en particulier sur le sujet des bloqueurs de puberté. De l’autre côté de la Manche, le sujet est explosif depuis déjà plusieurs années - au point où le 1er avril dernier, le National Health Service England (NHS, l’organisme de Santé Publique anglais) a finalement interdit la prescription de ces bloqueurs de puberté pour les mineurs trans.

Avant cela, la seule clinique à prendre en charge ces jeunes, le Gender Identity Development Service (GIDS) de l’hôpital Tavistock, au nord de Londres, avait été au centre d’un important débat - jusqu’à ce que la NHS annonce sa fermeture en juillet 2022. Les polémiques se sont notamment crystalisées autour d’un procès opposant une personne détransitionneuse (qui est revenue sur sa transition de genre), Keira Bell, à l’hôpital Tavistock, dans lequel elle avait été suivie et opérée.

La première remettait en question la capacité d’un mineur à donner son consentement éclairé dans le cadre d’une transition. Après plusieurs décisions de justice, la clinique a finalement eu gain de cause, la cour statuant que « l’appréciation de la capacité à consentir du mineur relève des médecins et non des juges », selon Le Monde.

Malgré cela, une enquête a ensuite été commandée par le NHS England pour enquêter sur Tavistock et sa prise en charge des mineurs trans. Le rapport Cass, du nom de son autrice, a dénoncé un mauvais accueil des jeunes dans le centre et s’est inquiété de la prescription de bloqueurs de puberté, jugée trop hâtive.

Si ce texte a reçu un accueil positif des deux côtés de l’échiquier politique britannique, il a aussi été critiqué par des acteurs du secteur. Pour la docteure en psychologie sociale Genavee Brown, que nous avons contactée, « la personne qui a mené l’étude [la pédiatre Hillary Cass, ndlr] n’avait pas une bonne vision des personnes trans et non-binaires », le rapport était donc « biaisé » dès le début, selon elle.

Parler des jeunes, « une stratégie assumée »

Si l’interdiction des bloqueurs de puberté chez les mineurs et la fermeture annoncée de Tavistock ont cristallisé une partie des discours transphobes, ces derniers ont existé avant à divers niveaux dans l’espace public, avec une figure de proue : J.K. Rowling. L’autrice d’Harry Potter nie régulièrement depuis des années, et avec virulence, les droits des personnes trans, qu’elles considèrent comme un danger pour la protection des femmes - ce que de nombreuses associations de défense des trans lui reprochent, notamment sur les réseaux sociaux.

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C’est ce que rappelle Camille Vansimaeys, psychologue et coauteur d’une tribune contre la proposition de loi LR en France. Selon lui, « dans les pays européens et par exemple au Royaume-Uni, le mouvement transphobe s’est aussi implanté dans des milieux de gauche ou féministes ».

Ce qui explique qu’Outre-Manche, le sujet des mineurs trans n’est arrivé que plus tard dans le débat public, précise par ailleurs Chloé Scher membre du bureau collégial de Fransgenre, association de défense des droits trans. Mais avec un objectif clair, selon elle : parler des jeunes « est une stratégie assumée des groupes anti-trans car c’est un terrain où il y a plus de potentiel pour faire des polémiques et pour instrumentaliser le sujet ».

Les arguments anti trans sont les mêmes dans tous les pays, selon Anaïs Perrin-Prevelle, la directrice de l’association OUTrans. Il y aurait une contagion sociale, les jeunes ne seraient pas capables de prendre des décisions seuls, il y aurait aussi une explosion des demandes ou encore des risques de regrets dramatiques… Sur ce dernier point, « il n’y a aucune étude qui dit qu’il y a une explosion des détransitions », affirme-t-elle.

En revanche, au Royaume-Uni, la fermeture du centre à Tavistock laisse près de 5 000 mineurs dans l’attente de soins, selon Le Monde. Ce qui a des conséquences pour ces jeunes. L’intérêt des bloqueurs de puberté est de « rajouter un temps de réflexion et de ralentir la croissance », explique Anaïs Perrin-Prevelle. « Il peut y avoir de vrais enjeux corporels » pour les mineurs trans qui n’y ont pas accès, car « la puberté va faire son travail et certains éléments du corps peuvent ramener à notre genre d’assignation ».

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