Angers: Said Chabane devant la justice, les coulisses de l'enquête
La recherche de la perle rare peut cacher un autre décor. Dans tous les clubs professionnels, la recherche est permanente. Trouver le futur Mbappé demande du temps, de la patience et de l’argent. Les agents sans licence pullulent autour des terrains, les clubs cherchent la pépite et souhaitent aussi faire une bonne affaire au passage. Enormément d’argent en jeu sur un territoire très réglementé en France. Dans ces dossiers, les clubs et les dirigeants doivent aussi traiter avec les entourages, plus ou moins proches.
36 heures de garde à vue
Début avril, Said Chabane a passé plus de 36 heures en garde à vue. L’homme fort du SCO d’Angers, qui a laissé sa place à son fils Romain Chabane le 21 mars dernier, réfute l’ensemble des accusations. Dans les faits, le propriétaire du SCO, aurait versé des sommes d’argent lors de transferts de joueurs à des hommes, qui se prétendent agents de joueurs, pourtant plusieurs d’entre eux ne possèdent pas la licence FFF. Pour réussir ces transactions, ils seraient passés par l’intermédiaire d’un agent officiel afin d’obtenir les paiements.
Dans ce dossier, selon les informations de RMC, cinq personnes sont mises en cause. L’ancien président du SCO d’Angers, Said Chabane, un agent licencié FFF, une personne qui se revendique agent de football mais qui ne dispose pas de la licence et deux collaborateurs via des sociétés de conseil. Ce dossier a été très compliqué à démêler pour les enquêteurs, les personnages nombreux et les flux financiers importants.
Comment débute ce dossier?
Nous sommes à l’été 2021, la police judiciaire du 93 place sur écoute, dans le cadre d’un dossier d’extorsion de fonds, un homme connu de la police et de la justice. Sur cette ligne téléphonique, au fil des conversations, les enquêteurs de la PJ entendent des discussions au sujet du mercato. Cet homme discute avec des dirigeants de football à propos des transferts mais ne dispose pas de licence pour exercer la profession sur le territoire français. Après cette découverte, le parquet de Bobigny va ouvrir une enquête des chefs d'"exercice illégal de la profession d'agent sportif" et de "blanchiment en bande organisée".
Les investigations se poursuivent autour de ces personnes suspectes, en relation avec des clubs de Ligue 1, évoluant en miroir d’un agent licencié FFF. La licence FFF est une obligation pour exercer la profession sur le territoire français. Ces représentants, non licenciés en France, évoluent donc entre le milieu du foot et de la délinquance organisée.
Said Chabane nie les accusations
Dans ce dossier, l'homme d'affaires franco-algérien, représentant du SCO d’Angers, est soupçonné d’avoir utilisé ce réseau pour participer au mercato. Pendant des mois, les enquêteurs ont épluché les facturations pour remonter les flux financiers. Des facturations sous couvert de prestations fictives sont mises en place et représentent des transferts à plusieurs centaines de milliers d’euros. C’est un flux d’argent entre la société, le SCO Angers, et des prestataires extérieurs. Ces agents non licenciés, se font payer des prestations d’agents de joueurs via leurs sociétés.
Dans les différents cas, le club affirme qu’il n’est "en rien mêlé à cette affaire". Pour se défendre, les différents "conseillers" de l’ombre estiment qu’ils sont payés pour accompagner les joueurs. Le club, de son côté, aurait donné de l’argent à des personnes qui font du scouting, la recherche de talent. Après la garde à vue du mois d’avril, via son conseil Me Bernard Benaiem, Said Chabane avait réfuté l’ensemble des accusations.
Des avoirs criminels saisis
Ce dossier connaitra son épilogue judiciaire dans les prochains mois. La justice a saisi des avoirs criminels. 370.000 euros ont ainsi été confisqués sur des comptes bancaires liés aux différents protagonistes du dossier. Une maison d’une valeur de 200.000 euros a aussi été saisie, selon les informations recueillies par RMC. Ces personnes dans le viseur de la justice sont aussi soupçonnées d’avoir réalisé de l’évasion fiscale dans des pays du Maghreb.
Ce dossier montre aussi l’omniprésence des agents sans licence autour des différents joueurs, souvent prometteurs, en France. Ces personnes permettent aux clubs d’accéder à des joueurs. En contrepartie, le club s'engage à leur verser une commission. Des agents officiels, licenciés FFF, font donc profiter des agents officieux afin de permettre une entrée dans les clubs visés. Le Parquet de Bobigny a décidé de ne pas saisir de juge d’instruction. Pour Said Chabane, c’est un renvoi direct au tribunal dans le cadre d’une convocation par procès-verbal. Une procédure qui permet de juger une personne qui a commis un délit dans un délai maximum de six mois après sa garde à vue.
Pourquoi l’ASSE a-t-elle été mêlée à cette affaire ?
Ces derniers mois, le SCO d’Angers n’a pas été le seul club de Ligue 1 à connaître une visite des enquêteurs du service central des courses et jeux. Le 15 juin 2022, comme à Angers, l’AS Saint-Etienne va connaître une perquisition dans le cadre de cette enquête menée par le parquet de Bobigny. Angers et Saint-Etienne étaient donc dans le viseur des enquêteurs.
Ces policiers vont saisir des documents financiers et administratifs afin de retracer les flux financiers et administratifs autour de plusieurs transferts. Les enquêteurs vont avancer sur ce dossier, mener des auditions, et placer des personnes en garde à vue. Trois agents de joueurs avaient été placés en garde à vue, seul un d'entre eux était autorisé à exercer la profession avec une licence FFF. Après plusieurs mois d’enquête dans les coulisses du football français, les renseignements visant l’ASSE demeurent inexacts dans ce dossier. Selon les informations recueillies par RMC, l’AS Saint-Etienne n’a finalement commis aucune infraction.