« Anatomie d’une chute », en lice pour les Oscars 2024, tient déjà sa revanche (avant même une victoire)

Sandra Hüller, ici dans « Anatomie d’une chute » de Justine Triet.
Les Films Pelléas/Les Films de Pierre Sandra Hüller, ici dans « Anatomie d’une chute » de Justine Triet.

CINÉMA - N’en déplaise à Élisabeth Borne (qui refusait toujours de le voir en septembre dernier), Anatomie d’une chute s’envole pour les Oscars. Ce mardi 23 janvier, le film de Justine Triet figure dans les nominations de plusieurs des catégories de la 96e cérémonie, dont la plus prestigieuse : celle du meilleur film.

À celle-ci, s’ajoutent celles de la meilleure réalisatrice, de la meilleure actrice pour Sandra Hüller, mais aussi du scénario original avec Arthur Harari et du meilleur montage.

« Je suis très émue. Je pensais que nous serions seulement nommés pour le scénario, sûrement, mais je n’avais pas trop imaginé ça. Je suis très touchée, c’est une grande joie », a confié Justine Triet à franceinfo dans la soirée.

Même si le drame de la cinéaste française (Sibyl, Victoria) n’a pas détrôné les favoris Oppenheimer (13 nominations), Pauvres Créatures (11) et Barbie (8), son apparition dans la liste est déjà une victoire symbolique, notamment au regard du CNC. La Passion de Dodin Bouffant de Trân Anh Hùng n’a pas été retenu pour concourir au meilleur film en langue étrangère.

Elle consacre aussi et surtout la folle ascension d’un film qui, depuis le dernier Festival de Cannes, s’est pris plus d’un bâton dans les roues, en particulier par la classe politique française. Et ce, dès la remise de la Palme d’or, quand Rima Abdul Malak - alors ministre de la Culture - s’est dite « estomaquée » par le discours « si injuste » de Justine Triet.

Une Palme d’or qui divise, mais cartonne

Au pupitre, la réalisatrice venait de dénoncer l’année écoulée en France, « traversée par une contestation historique » contre la réforme des retraites, « niée et réprimée » de façon choquante par « un gouvernement néo libéral » adepte de « la marchandisation de la culture ».

Dans la foulée, l’exécutif affiche son soutien à Rima Abdul Malak : « Anatomie de l’ingratitude d’une profession que nous aidons tant… Et d’un art que nous aimons tant », commente Roland Lescure, son collègue de l’Industrie. À gauche, c’est l’inverse. Olivier Faure, Éric Coquerel et plusieurs députés LFI, comme Sarah Legrain ou Hendrik Davi, dénoncent la « féodalité » du gouvernement.

Troisième femme sacrée par une Palme d’Or à Cannes (après Jane Campion et Julia Ducournau), Justine Triet s’explique et dit ne pas être « la seule à penser comme ça ». La ministre de la Culture ne lâche pas non plus et dénonce un « fond idéologique d’extrême gauche ».

Le temps passe. Il finit vite par tourner en faveur d’Anatomie d’une chute. À sa sortie en août, le film enregistre 262 698 entrées après son premier week-end en salles, soit le meilleur démarrage pour une Palme d’or depuis 2008. En France, il a aujourd’hui totalisé plus de 1,3 million d’entrées et a passé la barre du million à l’international, d’après Unifrance.

Et pourtant, en septembre : nouvelle polémique. Dans la short-list pour représenter la France aux Oscars dans la catégorie du meilleur film en langue étrangère, Anatomie d’une chute est débouté au profit de La Passion de Dodin Bouffant de Tràn Anh Hùng. « Qu’est-ce qu’ils sont cons », lance sur Instagram la productrice du film de Justine Triet, Marie-Ange Luciani, à l’égard des professionnels de la commission réunie par le Centre national du cinéma.

Justine Triet à l’assaut des cérémonies

La réalisatrice paye-t-elle son discours engagé ? Mystère. Après une bonne dose de déception, l’heure est finalement à la réjouissance. L’année touche à sa fin et Barack Obama vient de placer Anatomie d’une chute dans ses coups de cœur de 2023. Justine Triet n’a pas le temps de se réjouir que son long-métrage est déjà cité dans les nominations de la première des grandes cérémonies hollywoodiennes de la saison, les Golden Globes.

Elle n’en repart pas les mains vides. Elle reçoit le prix du meilleur scénario et du meilleur film en langue étrangère. Une victoire qui a fini par faire sortir du silence Emmanuel Macron. « Fier de voir le cinéma français récompensé », s’est fendu d’un tweet le président de la République.

Les deux Golden Globes viennent s’ajouter aux cinq autres récompenses remises lors des European Film Awards en 2023, ainsi qu’à son Critic’s Choice Awards 2024 et aux deux Lumières décernées par les correspondants étrangers à Paris, lundi 22 janvier. Qu’en sera-t-il des BAFTA, pour lesquels le long-métrage compte sept nominations ?

« C’est absolument évident qu’on n’a pas envoyé le bon film aux Oscars », a en tout cas confié à l’AFP Charles Gillibert, un des membres de ladite commission du CNC. Faute avouée, à moitié pardonnée ? Il revient désormais aux professionnels de l’industrie de voter. Résultat des courses : le 10 mars, à Hollywood.

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