Amjad Al-Rasheed, réalisateur d’“Inchallah, un fils” : “Pour les femmes, la liberté n’est parfois qu’une illusion”

COURRIER INTERNATIONAL : Dans quel milieu familial avez-vous grandi ?

AMJAD AL-RASHEED : Je suis issu d’une famille de la classe moyenne. Mon père vient de la ville de Salt, à 35 kilomètres d’Amman, la capitale. Ma mère a des origines palestiniennes. Mes parents, musulmans, m’ont scolarisé dans un établissement privé catholique d’Amman, le collège de la Salle : ils voulaient que nous soyons confrontés à l’altérité.

Ma famille compte beaucoup de femmes. J’ai huit ou neuf tantes du côté maternel ! Je me souviens qu’enfant, plutôt que de jouer, je préférais rester assis à écouter ma grand-mère, ma mère et ses sœurs. Leurs histoires m’ont marqué. Ce sont des battantes, et je les aime pour cela. Car au Moyen-Orient, de telles femmes sont souvent dites têtues ou bornées.

Le réalisateur jordanien Amjad Al-Rasheed.. Pyramide
Le réalisateur jordanien Amjad Al-Rasheed.. Pyramide

Très tôt, j’ai été frappé par la force que les femmes doivent avoir pour être elles-mêmes. Cela va au-delà du féminisme, il s’agit de regarder comment nous nous traitons mutuellement au sein d’une société, si nous nous jugeons tous égaux.

Votre héroïne, Nawal, est projetée dans une situation difficile. Mais vous n’en faites ni une sainte ni une martyre. Elle a ses failles, elle fait des erreurs.

Je n’ai pas voulu brosser le portrait d’une victime. Nawal est une victime mais, comme les femmes de mon entourage, elle ne se comporte pas ainsi.

Alors que je préparais mon film, pour gagner ma vie, j’ai tourné des vidéos pour des ONG dans tout le royaume, et ce travail m’a fait rencontrer beaucoup de Jordaniennes. Quand elles ont des difficultés, c’est souvent dû à un homme dans leur vie, et la loi ne les soutient pas. J’ai voulu montrer l’oppression que la société exerce sur elles, mais aussi le fait qu’elles se battent.

Nawal est musulmane, issue d’un milieu populaire. Elle rencontre Lauren, chrétienne, issue d’une famille aisée. L’une désespère d’avoir un enfant, l’autre voudrait avorter. Pourquoi avez-vous construit ces deux personnages en miroir ?

Je voulais montrer que l’oppression reste la même, quel que soit le milieu social ou la religion. Le personnage de Lauren me permet en plus de suggérer que la liberté peut n’être qu’une illusion. Ses parents l’ont envoyée étudier à l’étranger, elle peut s’habiller comme elle veut, sortir dans des bars avec ses amis. Elle se croit forte et libre, mais elle ne voit pas qu’elle vit dans une cage dorée. Et le jour où elle désobéit aux règles de la société, elle en paie les conséquences. Nawal est plus en mesure de se défendre, car elle est davantage au contact de la réalité.

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