AME : 3 000 soignants plaident pour le maintien de l’Aide médicale d’État, dont la prix Nobel de médecine 2008

3000 soignants signent une tribune pour appeller à maintenir l’Aide médicale d’Etat le 2 novembre 2023 dans « Le Monde » (image d’illustration)
Unsplash 3000 soignants signent une tribune pour appeller à maintenir l’Aide médicale d’Etat le 2 novembre 2023 dans « Le Monde » (image d’illustration)

POLITIQUE - « Leur santé, c’est aussi la nôtre. » Dans une tribune publiée sur le site du Monde ce jeudi 2 novembre, 3 000 soignants dont la Prix Nobel de médecine (2008) Françoise Barré-Sinoussi et le président du Comité consultatif national d’éthique Jean-François Delfraissy, demandent « le maintien » de l’Aide médicale d’État (AME) pour les étrangers sans-papiers.

Sur l’AME et l’immigration, Gérald Darmanin a crispé plusieurs de ses collègues avec cette proposition

« Nous, soignants de toutes spécialités et de toutes origines, souhaitons nous opposer fermement et de manière unie au projet de suppression de l’AME au profit d’un dispositif dégradé », écrivent les signataires. Une référence à un amendement au projet de loi immigration qui prévoit de remplacer l’AME par une aide médicale d’urgence (AMU) au périmètre de soins plus restreint.

L’AME permet une couverture intégrale des frais de santé accordée aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois si leurs ressources sont inférieures à 810 euros nets par mois. Selon la dernière étude nationale menée par l’Irdes (Institut de recherche et documentation en économie de la santé), publiée fin 2019, un immigré en situation irrégulière sur deux en bénéficiait.

Un risque de « dégradation de leur état de santé »

Pour contrer les arguments des opposants du dispositif, principalement de droite et extrême droite, les auteurs de la tribune rappellent que les patients qui bénéficient de cette aide ne sont pas « dans leur grande majorité, des personnes qui ont migré vers la France pour se faire soigner, mais des personnes qui ont fui la misère, l’insécurité ou qui l’ont fait pour des raisons familiales ».

Or, « leurs conditions de vie difficiles en France les exposent à des risques importants », jugent-ils, pour lesquels « l’éloignement du système de santé aboutit in fine à des retards de diagnostic, au déséquilibre et à l’aggravation des maladies chroniques, ainsi qu’à la survenue de complications ».

Toute suppression de l’AME, qui viendrait de fait « limiter leur accès aux soins », pourrait entraîner « une dégradation de leur état de santé », s’inquiètent les signataires, qui rappellent qu’en Espagne, la mise en œuvre d’une politique similaire en 2012 avant abrogation en 2018 avait entraîné « une augmentation de l’incidence des maladies infectieuses ainsi qu’une surmortalité ».

Le système de santé en pâtirait

D’ailleurs, ajoutent-ils, le retard dans la prise en charge peut mener « au déséquilibre et à l’aggravation des maladies chroniques, ainsi qu’à la survenue de complications » qui pèsent ensuite sur le système de santé français déjà en difficulté. « Dans le contexte de crise que vit l’hôpital public, et dont le Covid-19 a été le révélateur, la remise en cause de l’AME ferait donc courir un risque majeur de désorganisation du système de santé, d’aggravation des conditions de travail des soignants et de surcoûts financiers importants », alertent-ils.

Et de conclure : « Nous (...) soignons les personnes sans papiers comme n’importe quels autres patients. Par humanité, et conformément au code de déontologie médicale auquel nous nous référons et au serment d’Hippocrate que nous avons prêté à la fin de nos études. C’est l’honneur de notre profession. »

La question de l’AME a fait l’objet de frictions entre les membres du gouvernement. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, qui pilote le projet de loi immigration, s’est dit en faveur de la proposition du parti Les Républicains de transformer l’AME et AMU. « Ma position n’a pas évolué depuis dix ans : je soutiens l’AME parce qu’elle n’est pas en cause dans l’immigration illégale », a répliqué le porte-parole du gouvernement Olivier Véran, lui-même médecin et représentant de l’aile gauche de l’exécutif. Avis d’ailleurs partagé par le ministre de la Santé Aurélien Rousseau.

À voir également sur Le HuffPost :

Paris : un couple de Moldaves interpellé pour un tag antisémite et placé en rétention

Dupond-Moretti restera ministre de la Justice pendant son procès à la CJR pour prise illégale d’intérêts