Ambassade attaquée, pas d'ordre d'évacuation... Les Français présents au Niger sont-ils en danger?

Au Niger, l'inquiétude des Français grandit. Cinq jours après le coup d'État orchestré par la garde présidentielle nigérienne, le mouvement populaire pro-putschiste a témoigné de son hostilité envers les symboles français à Niamey, la capitale du pays.

Dimanche, des milliers de manifestants pro-putschistes se sont réunis devant l'ambassade de France dans la ville, à l'appel de plusieurs partis d'opposition, notamment par le parti Lumana, pro-putschiste et majoritaire à Niamey.

L'ambassade de France violemment prise pour cible

Certains ont brandi des pancartes où l'on pouvait lire "Dégage la France", "La France tue au Niger" ou encore "À bas la France, vive la Russie", tandis que la foule scandait des slogans similaires. Un drapeau français a été brûlé tandis que des drapeaux nigériens et russes étaient brandis.

Le bâtiment de l'ambassade a lui-même été pris pour cible par des jets de pierres et la plaque a été piétinée. Plusieurs personnes ont tenté de pénétrer dans le bâtiment avant que la manifestation ne soit dispersée par les forces de l'ordre à l'aide de gaz lacrymogène.

"La France appelle à la fin des violences inacceptables constatées ce jour", a fait savoir le ministère des Affaires étrangères dans un communiqué publié dimanche.

Après ces événements, le Quai d'Orsay a par ailleurs annoncé "des mesures de renforcement de la sécurité" de son ambassade malgré une situation "plus calme" dimanche après-midi. Il rappelle par ailleurs "les obligations qui incombent à tous en matière de protection des emprises et personnels diplomatiques, ainsi que des résidents étrangers".

Pas de décision d'évacuation à ce stade

Le président nigérien déchu Mohamed Bazoum est toujours retenu avec sa femme et son fils dans sa résidence par la garde putschiste. La France lui a réaffirmé son soutien, ce qui a recentré la colère des manifestants à l'encontre de l'ancienne puissance coloniale.

"On doit nous laisser faire ce qu'on veut. On est maîtres de notre pays, on n'a pas besoin de maîtres. On ne doit pas nous imposer des gens pour nous diriger. C'est fini", témoigne un manifestant.

"Toutes les bases [militaires] qui sont au Niger, on n'a pas besoin d'eux", abonde un autre participant au mouvement. Depuis le retrait des forces françaises du Mali l'été dernier, le Niger est le QG de l'action française contre les jihadistes au Sahel. Le pays représente aussi un enjeu économique stratégique: le groupe Orano (ex-Areva) y emploie 900 salariés et exploite sur place un complexe minier d'uranium dont 20% du combustible utilisé en Europe est extrait.

En cette période estivale, la moitié des expatriés se trouveraient en dehors du Niger. Les 500 à 600 ressortissants actuellement présents dans le pays "ont été tous contactés, des mesures de précaution sont prises" et "elles seront renforcées si c'était nécessaire, mais il n'y a pas de décision d'évacuation au moment où je vous parle", a expliqué la ministre des Affaires étrangères Catherine Colonna sur RTL dimanche.

Les frontières du Niger sont toujours fermées ce lundi, ce qui empêche tout départ des habitants, nigériens commes étrangers.

"Depuis une semaine, on est en télétravail, on sort juste pour l'essentiel, pour aller faire des courses, on est préoccupés", racontait dimanche à TF1 Jean-Sébastien Josset, expatrié français à Niamey depuis trois ans et chargé de la communication pour l'antenne locale du Commissariat de l'ONU aux Droits de l'homme.

Le correspondant de BFMTV au Niger Stanislas Poyet fait état ce lundi matin d'une situation plutôt calme mais "très instable". Il explique que les Français présents sur place ont pu se déplacer et travailler sans problème jusqu'ici, mais que d'autres manifestations hostiles pourraient avoir lieu et changer la donne.

"On attend de voir ce qu'il se passe mais pour l'instant, en tant que Français, pas d'inquiétudes particulières", explique-t-il.

Emmanuel Macron a lui menacé de répliquer "de manière immédiate et intraitable" à toute attaque contre les ressortissants de la France et ses intérêts au Niger.

Invité de BFMTV, Daouda Takoubakoye, le directeur adjoint du cabinet du président déchu, a estimé que "le peuple nigérien est un peuple de paix mais les autorités militaires [putschistes, NDLR] se nourrissent uniquement du populisme mais devant n'importe quelle difficulté, (...) ils vont faire appel au peuple et ils vont désigner probablement la France comme bouc émissaire".

1500 militaires français stationnés dans le pays

"Nous avons les capacités et les plans pour protéger nos ressortissants", souligne Jérôme Pellistrandi, consultant défense de BFMTV.

"Il ne faut pas oublier qu'il y a d'une part, 1500 militaires français qui sont stationnés au Niger. Il y a d'autre part des militaires américains [1100 selon le New York Times, NDLR] et donc tout cela doit permettre de protéger nos ressortissants mais pour l'instant, on n'est pas dans la préparation d'une opération", détaille-t-il.

La France compte désormais sur les pressions de la Cédéao. L'institution réunissant le pays d'Afrique de l'Ouest a ordonné un blocus économique et donné une semaine à la junte putschiste pour libérer Mohamed Bazoum, sans quoi elle n'exclut pas un "recours à la force".

À la télévision nationale, un porte-parole de la junte a lu dimanche un communiqué du général Abdourahamane Tchiani, le chef des putschistes, dans lequel il a dit soupçonner la Cédéao de "préparer un plan d'agression contre le Niger". Ce lundi, les putchistes ont publié un communiqué accusant la France de "vouloir intervenir militairement".

Aprè ces événements, l'Union européenne a indiqué lundi tenir les putschistes responsables "de toute attaque à l'encontre de civils, et de personnel ou installation diplomatiques".

Article original publié sur BFMTV.com