Allocution de Macron : Pierre Rosanvallon déplore dans « Quotidien » la crise démocratique française

L’historien et sociologue du Collège de France a livré une analyse sans concession de l’exercice du pouvoir par le président de la République dans l’émission de TMC.

RÉFORME DES RETRAITES - « La crise démocratique la plus grave depuis la fin du conflit algérien. » L’historien et sociologue Pierre Rosanvallon, professeur au Collège de France spécialisé en histoire contemporaine et en étude de la démocratie, était sur le plateau de l’émission Quotidien sur TMC ce lundi 17 avril. Invité à réagir à l’allocution d’Emmanuel Macron qui avait lieu quelques minutes plus tôt, il a fait une intervention remarquée sur la contestation de la réforme des retraites et la grogne sociale qui ne cesse de monter en France.

Connu pour ses opinions modérées, Pierre Rosanvallon a livré une analyse sans concession de l’exercice du pouvoir par le président de la République. « Il ne voit pas la crise démocratique, pour lui il n’y en a pas », a-t-il relevé, déplorant qu’Emmanuel Macron ait perdu de vue « l’esprit des lois », essentiel pour garder « l’esprit de la démocratie ». Et d’estimer même que cet « esprit est bafoué ».

« Nous sommes en train de traverser, depuis la fin du conflit algérien, la crise démocratique la plus grave que la France ait connue », a pointé Pierre Rosanvallon. « Ce que nous vivons là, c’est la répétition des gilets jaunes, mais en beaucoup plus grave. Aujourd’hui, il y a ce même sentiment de ne pas être écouté », a-t-il ajouté. « Nous sommes entrés dans une crise qui peut être gravissime parce que c’est une pente glissante. Et cette intervention (d’Emmanuel Macron, ndlr) n’a mis aucun frein, aucun point d’arrêt », a-t-il dit également.

Le président du groupe de réflexion La République des idées a également jugé que le chef de l’État n’arrivait pas à trouver « des points d’arrêt » car il n’a « sans doute pas assez d’expérience politique ». Pierre Rosanvallon a ainsi comparé le parcours politique d’Emmanuel Macron à certains de ces prédécesseurs à la tête de l’État – comme Jacques Chirac, Raymond Barre, François Mitterrand – « qui ont eu une vie politique, une vie sociale, qui ont été sur les marchés, tenus des permanences », alors que l’actuel chef de l’État « est passé en quelque mois de l’ombre à l’Élysée ».

« La modestie », cette qualité manquante au président

« Il lui a manqué la connaissance et l’expérience qui enseignent une chose importante : la modestie. Et lui, il n’en a pas », a-t-il jugé.

Plus tôt ce mois-ci, Pierre Rosanvallon s’était déjà montré très critique du président de la République. Dans un entretien à Libération, il avait jugé qu’Emmanuel Macron était empreint d’une « arrogance nourrie d’ignorance sociale et de méconnaissance de l’histoire des démocraties. »

Il défendait alors auprès de nos confrères la nécessité d’inscrire dans la Constitution « d’autres moyens de résolution des crises qui partent d’en bas ». « Faute de cela, le temps des révolutions pourrait revenir ou bien ce sera l’accumulation des rancœurs toxiques qui ouvrira la voie au populisme d’extrême droite », estimait Pierre Rosanvallon.

Invité de France Inter ce lundi matin, le ministre de l’Action et des Comptes public Gabriel Attal a tenu à réagir aux critiques de l’historien et à son constat. « Quand on parle de délégitimation des institutions ou de problèmes démocratiques, on peut aussi s’interroger sur ceux qui remettent en cause les institutions elles-mêmes, le travail du Parlement, le travail du Conseil constitutionnel », a-t-il répondu.

« Cinq minutes de justesse crue et cruelle »

Si elle n’était pas du goût de la majorité, l’intervention de Pierre Rosanvallon sur TMC a en tout cas été largement partagée sur les réseaux sociaux, que ce soit par des personnalités politiques de droite, comme le maire Les Républicains de Cannes David Lisnard ; ou de gauche, comme la députée LFI de Seine-Saint-Denis Raquel Garrido.

« Je viens d’écouter ce débrief. Est-ce que quelqu’un en rapportera la teneur à Macron ? En tout cas la mise en place du groupe de travail de l’intergroupe parlementaire Nupes sur la VIe République tombe à pic. Au travail », a commenté cette dernière sur Twitter.

Des professeurs et des historiens ont également salué la nécessité de son intervention, à l’instar d’Éric Anceau, qui s’est réjoui de ces « cinq minutes de justesse crue et cruelle sur Emmanuel Macron », ou de l’économiste Eric Berr, pour qui le président a « été éparpillé façon puzzle par Pierre Rosanvallon. »

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