En Allemagne, des survivants de la Shoah appellent à voter contre l'extrême droite aux européennes

"Plus jamais, c'est maintenant". Des survivants de la Shoah publient une lettre dévoilée lors d'une conférence de presse mardi 4 juin à Berlin, en Allemagne. Un groupe de huit hommes et femmes âgés de 81 à 102 ans appelle les électeurs à se mobiliser contre l'extrême droite lors des élections européennes de cette semaine.

"La dernière fois que l'extrême droite est arrivée au pouvoir, nous n'étions que des adolescents, voire des enfants. Ils avaient promis de redorer le pays. Ils nous avaient promis que les Allemands seraient prioritaires (des politiques)", écrivent-ils

"Nous n'avons pas pu l'empêcher à l'époque. Mais vous pouvez le faire aujourd'hui", poursuivent-ils.

"L'extrême droite a été élue démocratiquement"

"Cela n'a pas commencé par des camps de concentration. L'extrême droite n'est pas arrivée au pouvoir par un coup d'État mais elle a été élue démocratiquement. Nombreux l'ont sous-estimée et ne l'ont pas prise au sérieux. Et ensuite, la paix a laissé la place à la guerre. Notre démocratie est devenue une dictature", peut-on lire dans la lettre publiée par l'ONG Avaaz, qui milite pour une hausse de la participation à l'échelle européenne.

Les huit auteurs appellent à faire "tout ce qui est en notre pouvoir" pour protéger la démocratie, qui "n'est pas aussi indestructible qu'elle n'y parait". S'ils disent comprendre "certaines frustrations" des électeurs, ils assurent que l'abstention n'est pas une solution.

"Une Europe unie, en paix est un cadeau merveilleux. Nous nous souvenons de ce temps où cela semblait impensable. Allez voter, montrons ensemble que 'plus jamais' n'est pas qu'une phrase. Qu'il s'agit d'une promesse pour aujourd'hui, demain et à jamais", écrit le groupe.

L'AfD créditée d'environ 15% des intentions de vote

"Quatre de mes proches parents sur cinq ont été assassinés. C'est la conséquence de ces pensées radicales, du mépris des autres, de la xénophobie", explique Leon Weintraub, 98 ans, qui a passé la majeure partie de sa jeunesse dans plusieurs camps de concentration.

Survivante de la Shoah, Ruth Winkelmann, 95 ans, dit se mobiliser "parce que l'AfD devient trop forte". Malgré de récentes polémiques, le parti d'extrême droite allemand est est crédité d'environ 15% des intentions de vote.

Ce parti a "pas mal de points communs" avec les nazis des années 1930, qui étaient eux aussi "contre les autres personnes, qui sont différentes", estime-t-elle auprès de l'AFP.

Pour Eva Umlauf, déportée à l'âge de 2 ans à Auschwitz, "les parallèles avec le passé sont évidents". "Ces partis sont très, très actifs sur de nombreux canaux pour tenter d'attirer les jeunes, comme Hitler et son ministre de la propagande, Joseph Goebbels, l'ont fait efficacement avec beaucoup moins de moyens".

Dans une vidéo enregistrée, Walter Frankenstein, 99 ans, établit également un parallèle entre le climat politique actuel et celui des années 1930, avec "un gouvernement démocratique faible et un parti qui ralliait les mécontents".

Appel à la jeune génération

"Les jeunes d'aujourd'hui ne doivent pas se contenter de dire: 'Je ne sais pas pour qui voter, alors je n'irai pas du tout'", dit-il. "C'est la pire chose à faire. Notre démocratie doit être défendue encore et encore", insiste-t-il.

Pour son 100e anniversaire qui arrive le 30 juin prochain, Walter Frankenstein estime que "le meilleur cadeau d'anniversaire pour (lui) serait que tout le monde vote pour un parti démocratique afin de garantir notre démocratie, qui est une chose précieuse".

Car cet appel s'adresse, en effet, en premier aux jeunes. "Pour des millions d'entre vous, les élections européennes sont les premières de votre vie. Pour beaucoup d'entre nous, ce pourrait être la dernière", peut-on ainsi lire.

"Nous avons confiance en la jeune génération, nous avons confiance en vous", assurent ces survivants de l'Holocauste.

Plus de 360 millions d'électeurs sont appelés aux urnes cette semaine à travers l'Union européenne. En France, selon un récent sondage de l'institut Ipsos pour Brut et France info, seulement 31% des électeurs âgés de 18 à 29 ans se disent certains d'aller voter le dimanche 9 juin prochain.

Article original publié sur BFMTV.com