En Allemagne, “nul n’a le droit de se faire justice soi-même, même contre des nazis”

Avant même le verdict, tout le monde savait que le jugement de Lina E. deviendrait un “symbole politique”, assure la Süddeutsche Zeitung. Le 31 mai, cette Lipsienne de 28 ans a été condamnée à cinq ans et trois mois d’emprisonnement, pour avoir violemment attaqué, avec trois complices, des individus proches de la scène d’extrême droite, entre 2018 et 2020.

Mais pour le journal munichois, son procès ne visait pas seulement à déterminer “si l’étudiante était à la tête d’une organisation criminelle ciblant des militants nazis, authentiques et présumés”. La jeune femme est devenue une icône de la gauche radicale et antifasciste allemande. Des manifestations en son soutien ont d’ailleurs été organisées dans plusieurs grandes villes, après l’annonce de sa sentence.

Les motivations de la militante – à savoir la lutte contre les néonazis et le suprémacisme blanc – ont été saluées par le juge Hans Schlüter-Staats, dans un pays où le terrorisme d’extrême droite est considéré comme la plus grande menace à l’ordre public.

Mais pour lui, ses méthodes restent incompatibles avec l’état de droit. En substance, résume le journal munichois dans un second article, il a estimé qu’“nul n’a le droit de se faire justice soi-même, même contre des nazis”. Malgré leur idéologie délétère, ces derniers disposent eux aussi de droits inaliénables.

Une justice à deux vitesses ?

Au sein des milieux de gauche, le verdict – moins sévère que les huit années d’emprisonnement requises par le bureau du procureur – a relancé les critiques sur une justice allemande à deux vitesses, jugée plus clémente vis-à-vis de l’extrême droite.

La Süddeutsche Zeitung, notamment, considère que les magistrats “manifestent un curieux empressement à faire la lumière sur tout acte répréhensible émanant de la gauche et à traduire leurs auteurs devant la justice aussi promptement que sévèrement”, alors qu’“ils se montrent plus laxistes envers les auteurs de violence issus de la droite”.

Hans Schlüter-Staats a lui-même reconnu des défaillances “déplorables” dans certaines affaires visant les milieux d’extrême droite – particulièrement dans les Länder de l’est de l’Allemagne. Mais pour lui, cela n’excuse pas les actions de Lina E. Le groupe de la jeune femme, comparé par certains médias à l’ancienne formation terroriste d’extrême gauche Fraction armée rouge, a blessé au moins 13 personnes, dont deux grièvement.

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