Agriculture : quels sont les liens entre la Coordination rurale et le Rassemblement national ?

Dans « Le Figaro », Emmanuel Macron a ciblé le syndicat agricole, affirmant que certains de ses responsables travaillent « de manière très officielle » avec le RN.

Une manifestante au milieu du cortège de la Coordination rurale à Paris, brandissant une pancarte favorable au Frexit.
MIGUEL MEDINA / AFP Une manifestante au milieu du cortège de la Coordination rurale à Paris, brandissant une pancarte favorable au Frexit.

POLITIQUE - C’est l’angle d’attaque (strictement politique) choisi par Emmanuel Macron, en marge de la crise agricole. Particulièrement chahuté au Salon de l’Agriculture, le chef de l’État a ciblé ce lundi 26 février dans Le Figaro la Coordination rurale, seule organisation du secteur qui « a fait le choix de ne pas appeler au calme ». Et le locataire de l’Élysée de se montrer encore plus explicite dans ses allusions : « des décideurs locaux de la Coordination rurale sont engagés de manière très officielle au Rassemblement national ».

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Une façon pour Emmanuel Macron de faire le lien direct avec les élections européennes qui auront lieu au mois de juin. « Le Salon a toujours brassé politiquement, ce n’est pas nouveau. Mais quand vous avez des centaines de gens avec des drapeaux réclamant le Frexit, ce ne sont pas des mouvements agricoles, c’est factuel », a-t-il estimé.

La même attaque a été formulée par la porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, qui dénonce ce lundi des « discours des ultras emprunté au RN » employés par les agriculteurs qui ont visé Emmanuel Macron samedi. Parmi les discours visés, des slogans favorables au Frexit ou des chants du type « on est chez nous », entonnés lors de la visite du chef de l’État.

De son côté, la Coordination rurale dément toute proximité avec le parti lepéniste. « On a aucune accointance avec personne », s’est défendue sur BFMTV Sophie Lenaerts, vice-présidente du syndicat. « Je n’ai pas de lien particulier ou de lien d’intérêt avec la Coordination rurale », a déclaré depuis le Salon le président du RN Jordan Bardella, estimant que le chef de l’État « tombe dans une forme de complotisme, de paranoïa ».

Pourtant, sans faire du syndicat agricole l’antichambre du RN, des ramifications entre les deux parties existent bel et bien.

« Très content de voir Bardella »

À l’image du leader du syndicat en Lot-et-Garonne, Serge Bousquet-Cassagne, dont le fils a porté les couleurs FN aux législatives. Lui-même annonce à Mediapart qu’il votera Jordan Bardella aux élections européennes. « Comme tous les Français, je partage 80 % des idées du FN. Et, bien entendu, je soutiens mon fils, car c’est mon fils. Mais je n’appartiens pas au FN », a-t-il détaillé auprès de Libération. Et d’insister dans Le Parisien : « C’est le dernier parti que nous n’avons pas essayé au pouvoir. Et, comme des millions de Français, nous nous préparons à les essayer ».

Interrogé ce dimanche par France 2, Philippe Yon, président de la Coordination rurale de la Manche, ne cache pas son admiration pour Jordan Bardella. « Moi, en tant qu’agriculteur, je suis très content de le voir là. Et on va continuer la lutte contre la Macronie », explique cet agriculteur, qui était aux avant-postes de l’accueil mouvementé réservé la veille au chef de l’État. Dans la vidéo ci-dessous, le même accuse Emmanuel Macron d’être « la honte du pays » et de représenter « les ultralibéraux » au pouvoir. Des propos qui relèvent davantage de la politique que des revendications sectorielles.

Au début de la crise agricole, les eurodéputés RN ont d’ailleurs reçu au Parlement européen une délégation de ce syndicat qui porte des idées souverainistes et anti-écolos très proches du discours tenu par Marine Le Pen sur le sujet. « Notre position, c’est la défense des fermes familiales, qui nous conduit à être contre l’industrialisation de l’agriculture, et pour la préférence communautaire », explique à Libération Véronique Le Floch, présidente de ce syndicat apprécié sur CNews, chaîne préférée de l’extrême droite.

« Apolitique », vraiment ?

Les actions menées par ses membres, plus musclées que celles de la FNSEA, résonnent avec le discours radical porté par le RN, à l’inverse d’une FNSEA jugée trop « molle » et trop complaisante avec les orientations prises par les gouvernements successifs. Preuve de cette proximité, le député RN de l’Aude Christophe Barthès, adepte des thèses climatosceptiques, est un ancien membre de la Coordination rurale, organisation dont il a été l’un des candidats pour les élections aux Chambres d’agriculture en janvier 2013.

« Autant je récuse que la CR soit une émanation du RN, autant je m’inspire de leur analyse », expliquait au Parisien le député RN Grégoire de Fournas, le 31 janvier, reconnaissant des relations « professionnelles » entre les deux formations.

De quoi écorner l’image « apolitique » que veut se donner le syndicat, même si ces liens ne semblent pas refléter la diversité de ses membres. Auprès de France Bleu Périgord, un adhérent de l’organisation réfute tout lien avec le RN, et va jusqu’à tacler la position de Marine Le Pen sur le sujet : « Il faudrait déjà qu’elle présente un vrai discours pour l’agriculture, aujourd’hui, elle n’a pas de discours politique sur l’agriculture qui tient la route ».

Reste que, citée par Mediapart à la fin du mois de janvier, la présidente du syndicat Véronique Le Floch a bien admis qu’« on avancerait peut-être davantage » si tout le monde avait les idées de Jordan Bardella. Ce lundi, sa vice-présidente Amélie Rebière estime que lier les deux formations relève de la « diffamation ». Pas sûr que cela suffise à convaincre les détracteurs du syndicat.

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