Les agriculteurs et la sécheresse, le défi d’être sobre sans « effort supplémentaire »
PLAN EAU - Les agriculteurs seront exemptés d’un « effort supplémentaire ». Le ministre de l’Agriculture, Marc Fesneau invité au congrès de la FNSEA à Angers, a annoncé ce jeudi que l’agriculture, très consommatrice d’eau, n’aurait pas à baisser ses prélèvements pour irriguer les cultures. Au même moment, Emmanuel Macron présentait le plan eau et annonçait un effort de « sobriété » dans « tous les secteurs d’activité ».
Lors d’une conférence de presse ce vendredi 31 mars, Marc Fesneau a donc du préciser sa première déclaration : « Bien sûr que l’agriculture a besoin de faire œuvre de sobriété », a-t-il dit, rappelant qu’elle est à l’origine de 58 % de l’eau consommée (l’eau potable pesant 26 %). Le ministre a également affirmé que le secteur agricole participerait à l’effort national de réduction du prélèvement d’eau douce, fixé par le Président à -10 % d’ici 2030.
La « sobriété à l’hectare »
Pas question cependant, dit le ministre, de baisser les prélèvements pour l’irrigation, qui représentent tout de même 3,2 milliards de m3 d’eau par an. Avec le changement climatique, « on aura besoin de faire de l’irrigation dans des endroits où aujourd’hui on n’en a pas besoin. Et sur d’autres territoires, il y aura des surfaces plus grandes à irriguer », a-t-il expliqué.
Mais comment les agriculteurs peuvent-ils à la fois être « sobres » en diminuant leur consommation d’eau tout en irriguant plus, « sans faire d’effort supplémentaire » ? C’est la « sobriété à l’hectare, répond le ministre de l’Agriculture. Si on adapte les assolements, qu’on fait migrer les cultures vers le nord, qu’on développe des techniques de goutte à goutte, alors on peut consommer moins à l’hectare, tout en irriguant des surfaces plus importantes. »
Concrètement, le volet agricole du plan eau se base sur trois axes : « Première direction, l’efficacité. Un système comme le goutte-à-goutte permet une économie de 20 % d’eau pour l’arboriculture », a cité le ministre. Deuxième, économiser la ressource : « par exemple en plantant du maïs moins gourmand en eau et en développant des modèles d’agroécologie ». Enfin, il vise à veiller à la « qualité » de l’eau : « il faut mettre en place des périmètres de protection autour des zones de captage. Près de Sainte-Soline, on a planté des haies par exemple ».
Des méga bassines « inefficaces » en cas de sécheresse
Sur les retenues artificielles, comme les méga bassines, qui ont fait l’objet d’affrontements à Sainte-Soline, Emmanuel Macron a demandé à ce que les futurs ouvrages soient conditionnés à des « changements significatifs de pratiques ». À cet égard, Marc Fesneau s’est dit « confiant sur les engagements des agriculteurs » pour préserver ces retenues artificielles des pesticides et produits phytosanitaires.
« Sainte-Soline est un système vertueux puisqu’il vise à moins prélever l’eau l’été, de 70 %, pour pouvoir en prendre quand il y en a, l’hiver, pour pouvoir irriguer », a-t-il plaidé. Et à ceux qui rétorquent qu’il n’y a pas eu d’eau pendant 32 jours cet hiver, « ce n’est pas la majorité des hivers », a-t-il répliqué. « Le dispositif est prévu de marcher dans un cadre normal, mais il ne permet pas de résoudre les cas extrêmes durant les sécheresses hivernales », a confirmé ce vendredi après-midi le ministère de l’Agriculture.
Problème : avec la multiplication des sécheresses inféodées au changement climatique, les hivers sans eau seront plus nombreux, longs et intenses dans les années à venir. C’est pourquoi des hydrologues du Giec ont évalué que les retenues artificielles seraient « coûteuses » et « insuffisantes » dans les années à venir.
Réutiliser les eaux usées, récupérer l’eau de pluie
Toujours sur le volet « agriculture », « un diagnostic eau, sols et adaptation sera intégré aux aides à l’installation pour tout nouveau jeune agriculteur, dans le cadre du pacte de renouvellement des générations agricoles », a précisé Emmanuel Macron dans son plan eau afin qu’ils « s’adaptent au climat de 2050 ».
Par ailleurs, le gouvernement compte développer la technique de Réutilisation des eaux usées traitées (REUT) en agriculture, notamment pour irriguer les cultures. Les agences de l’eau vont également travailler avec les agriculteurs pour étendre les systèmes de récupération d’eau de pluie des bâtiments agricoles afin de sécuriser l’abreuvement des troupeaux l’été, affirme le ministère de l’Agriculture.
Pour le déploiement de toutes ces mesures sur le terrain, le gouvernent prévoit une enveloppe de « 100 millions d’euros », a précisé le chef de l’État. Pour Joël Limouzin, vice-président de la FNSEA, cité par l’Express, cette somme est « très insuffisante » au regard du coût du matériel technique à acheter et installer. Nicolas Girod, porte-parole de la Confédération paysanne, a lui regretté que le discours du président se concentre quasi exclusivement sur « l’irrigation », alors que « seules 7 % des terres agricoles sont irriguées ».
Les associations environnementales sont également restées sur leur soif. Alexis Guilpart, animateur de la Fédération nature environnement (FNE) s’est réjoui que le chef de l’État ait parlé de la nécessité de réinventer un modèle agricole, mais a regretté le manque d’ambition sur « la forte consommation d’intrants, de pesticides et d’engrais azotés ». L’ONG WWF reproche, elle, au gouvernement d’évoquer une « une transformation du modèle agricole sans en donner le contenu ni tout le financement ». À voir si le plan de « sobriété » présenté par le secteur agricole d’ici l’été sera plus précis sur le calendrier, les coûts et l’application concrète de ces mesures.
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