Agathe Lemaitre, dont la sœur, victime de harcèlement scolaire s'est suicidée : "Elle s’est attachée les bras et a mis sa tête dans un sac plastique"

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Victime de harcèlement scolaire, Diane s’est suicidée à l’âge de 21 ans. Sa grande sœur, Agathe, a fini par trouver son journal intime et a découvert l’immensité de son mal-être à travers ses lignes. Pour Yahoo, elle a accepté de revenir sur cette tragédie, expliquant notamment la manière dont sa cadette a sombré malgré ses efforts pour remonter la pente.

Elle ne savait pas ce qu’endurait sa sœur. C’est grâce à son journal intime qu’elle a compris le calvaire qu’elle vivait. Victime de harcèlement scolaire à l’école, Diane s’est suicidée à l’âge de 21 ans, laissant derrière elle une famille complètement démunie. Pour Yahoo, son aînée Agathe, autrice de l’ouvrage "Le livre de Liane" (ed. Broché), a accepté de revenir sur cette tragédie, expliquant notamment la manière dont elle lutte contre ce fléau qui touche encore des millions de jeunes à travers le monde. (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article)

C’était le 4 mai 2016. Ce jour-là, la vie d’Agathe bascule. Sa petite sœur, Diane, se suicide après avoir été harcelée pendant des années à l’école. "Elle s’est attachée les bras et a mis sa tête dans un sac plastique de manière à respirer son propre oxygène. Elle a fini par en manquer et par décéder", se souvient-elle avec émotion.

Et lorsqu’elle apprend, via son journal intime, ce qu’elle a vécu, elle tombe de très haut. "Rapidement, en tournant les pages, je me rends compte qu’une fille se moque d’elle dans sa classe", raconte-t-elle tout en expliquant avoir déchanté en poursuivant les lignes de son carnet. Comme elle le raconte, les moqueries portent sur son poids, ses cheveux et le fait qu’elle ait de très bonnes notes. Et son orientation sexuelle ne fait qu’empirer la situation, déjà très critique pour la jeune fille.

Pour autant, elle tente de cacher ses émotions ne sachant pas comment réagir. Mais au lycée, la violence monte d’un cran, "les moqueries deviennent sexistes et beaucoup plus agressives. Elle est même victime d’agressions sexuelles". À 13 ans, l’un de ses camarades tente de la toucher en plein cours. "Tout le monde le voit mais personne ne réagit. Et comme elle est terrorisée, elle n’arrive plus à bouger et ne parvient pas à parler de la situation à des adultes." Son quotidien est malheureusement toujours le même. On la traite de "machine à calculer", de "tête d’intello", de "singe à lunettes" ou encore de "personne sale". Elle finit par se mutiler et croire que tout est de sa faute. Finalement, après avoir subi cette situation pendant des années, elle décide de porter plainte à ses 18 ans.

"Elle écrit un journal qu’elle nomme le carnet des derniers jours"

À cet âge-là, le harcèlement s’arrête mais la souffrance psychologique, elle, est toujours très présente. "Elle coule, ça devient vraiment dur parce qu’elle est toute seule. Il n’y a plus de harceleurs à blâmer", raconte Agathe tout en énumérant les différentes phobies dont sa sœur est victime. Comme elle l’explique, Diane a par exemple énormément de mal à sortir de chez elle, un blocage aux lourdes conséquences. Elle ne peut donc pas se rendre en cours, "terrorisée" à l’idée de rencontrer des gens. "Parfois, elle va même jusqu’à fermer les volets de chez elle." Déterminée à se sortir de cet engrenage, qui l’impacte autant psychologiquement que physiquement, elle décide donc de se faire aider pendant trois ans mais ne parvient pas à remonter la pente. À l’âge de 21 ans, Diane prend une décision irréversible, celle de se suicider.

À cet instant, à l’heure de ses études supérieures, elle crée un nouveau journal qu’elle nomme "le carnet des derniers jours". Elle y raconte ses préparatifs et explique se sentir soulagée. Dès lors, elle dit profiter de chaque moment. Elle décrit ses ressentis lorsqu’elle prend l’air, décrit les arbres ou les fleurs qu’elle voit. "C’est un carnet extrêmement poétique. Pour moi, c’était terrifiant. Elle avait l’air immensément calme et sereine alors qu’elle allait mourir."

"Le suicide, c’est un tabou extrêmement fort dans notre société"

Lorsque sa sœur décède, Agathe se sent impuissante et complètement démunie. Le chagrin laisse place à l’incompréhension. Aujourd’hui, elle souhaite plus que tout que l’histoire de sa sœur serve à d’autres jeunes afin d’éviter d’autres tragédies. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle a décidé de publier le carnet de Diane. "Le harcèlement scolaire est une réalité. Ce n’est pas visible, les gens souffrent et peuvent arriver à un point de non-retour", rappelle-t-elle tout en expliquant avoir toujours du mal à parler aujourd’hui de ce drame.

Souvent interrogée sur le nombre de frères et sœur qu’elle a, Agathe botte régulièrement en touche. "Pour moi, c’est toujours une question difficile. Une fois, j’ai dit que je n’avais qu’une seule sœur et je m’en suis beaucoup voulu parce que ma petite sœur a, elle aussi, existé." Comme elle l’explique, parler du suicide est toujours un sujet très tabou. "Nombreux sont ceux qui, comme moi, préfèrent ne pas en parler", explique-t-elle tout en confiant avoir, depuis, changé son fusil d’épaule. Agathe a compris l’importance de l’échange et lutte désormais contre le fléau du harcèlement scolaire. Elle en a fait sa bataille.

"Plus on en parle, plus les jeunes sont informés et font attention à leurs proches. Mon combat aujourd’hui, c'est d'informer et d'alerter les familles. Pour moi, il est trop tard mais j'espère qu’en sensibilisant, j'éviterai à d'autres familles de vivre ce que j’ai vécu", explique-t-elle. Consciente de la nécessité à faire évoluer les mentalités, elle a même décidé d’en parler à ses deux enfants de deux et quatre ans, malgré leur jeune âge. "J’ai fait le choix d’être transparente avec eux. Je leur ai également demandé d’intervenir ou de parler s’ils étaient témoins d’un harcèlement scolaire dans leur classe. Il ne faut pas rester silencieux face à des moqueries qui, plus tard, peuvent prendre une tout autre envergure."

Retrouvez en intégralité l'interview d'Agathe Lemaitre