Afshan Riaz, franco-pakistanaise mariée de force : “Je refusais que mon père soit déshonoré à cause de moi”

Elle a préféré la liberté à la contrainte. Mariée de force par son père, la Française d’origine pakistanaise Afshan Riaz a fini par divorcer, une décision incomprise par ses proches. Pour Yahoo, la jeune femme de 32 ans, considérée comme le mouton noir de sa famille, s’est livrée sur cette période difficile, revenant notamment sur la violence physique et psychologique subie pendant ces années-là.

Viols, agressions, deuils insurmontables, accidents de la vie : dans "Trauma", anonymes et célébrités reviennent pour Yahoo sur un traumatisme qui a bouleversé leur vie.

Afshan Riaz est loin d’avoir vécu un conte de fée. Mariée de force par son père, la jeune Française d’origine pakistanaise a osé se rebeller et divorcer quelques mois plus tard, un choix qui lui a valu d’être rejetée par sa famille. Pour Yahoo, la trentenaire, dont l'ouvrage "Ils m'ont mariée de force" (ed. City) est sorti le 4 octobre dernier, s’est livrée sans tabou sur son parcours, revenant sur cette période qui l’a profondément marquée. Un témoignage émouvant et poignant (Retrouvez l’intégralité de l’interview en fin d’article).

Baignée depuis sa plus tendre enfance dans la culture pakistanaise, Afshan ne s’est jamais opposée aux décisions de ses parents ni aux coutumes liées à son pays. “Il y a de très belles choses mais il y a aussi des dérives comme le patriarcat, la misogynie ou encore la violence”, confie-t-elle tout en expliquant avoir pris conscience des travers de sa situation familiale assez tôt. À l’école, les différences sont flagrantes. Domiciliée et scolarisée à Lyon, la jeune fille suit les codes français tout au long de la journée avant d’être, à nouveau, plongée dans les coutumes de son pays d’origine.

“C’est là que le choc des cultures commence à se faire”. Alors que ses amis se retrouvent entre eux après les cours, Afshan, elle, est par exemple contrainte de travailler auprès de ses parents. “Dans notre culture, les enfants aident énormément dans les commerces. Les enfants suivent souvent la lignée du papa”.

“Mon père me donnait des claques, des coups de pieds, des coups de poing”

Mais à son grand désarroi, l’aide qu’elle pensait offrir ponctuellement à ses parents se transforme en aide quotidienne. De plus, la violence à son encontre commence à être, elle aussi, régulière. Comme elle l’explique, la violence est tout d’abord physique. “Ça peut être des claques, des coups de pieds, des coups de poing”. Mais aussi psychologique. “C'est du rabaissement, des crises, des disputes, C'est constamment de la colère, de l'humiliation”, rappelle-t-elle, avouant avoir toujours eu peur de son père.

Cette violence, sa mère l’a également subie. “J’ai toujours vu ma maman être battue. C’était très régulier et je l’ai vue plus pleurer que sourire”. Une ambiance malsaine qui ne lui permet pas de s’épanouir correctement. Ses journées à rallonge l’handicapent également, scolairement parlant. “Je n’avais pas le temps de pouvoir me consacrer à mes études parce que je travaillais à côté, j’avais tout le temps cette pression sur moi”, explique-t-elle tout en se rappelant du point de bascule. “Lorsque j’ai raté mon bac, ça m’a mis une énorme claque”, un échec qui l’amène à se rebeller. “À l’âge de 20 ans, j’ai commencé vraiment à avoir un caractère qui bouillonnait. Et là, j’ai dit stop. J’ai annoncé à mon père que je ne voulais plus travailler pour lui”. En réaction, son père décide alors de ne plus lui parler, “une sorte de punition”. Une période pendant laquelle elle développe un caractère encore plus fort. “J’ai été vraiment très indépendante, indépendante financièrement. Je ne dépendais pas de mon père et ça, ça m’a forgée”. Malgré tout, son père lui manque et la jeune femme va finalement le retrouver cinq ans plus tard.

“Je refusais que mon père soit déshonoré à cause de moi”

C’est lors d’un voyage au Pakistan, à l’âge de ses 25 ans, qu’il décide de reprendre contact avec elle. Son idée est claire : la marier avec un homme dans son pays d’origine. Et par la manipulation et le chantage affectif, il parvient à ses fins. “J’ai senti que j’allais dire oui au moment où il a commencé à me dire qu’il serait fier de moi”, confie-t-elle expliquant avoir agi pour “l’honneur”. “Je refusais que mon père soit déshonoré à cause de moi”.

Quant à l’heureux élu, elle ne le connaît pas et ne l'a jamais rencontré. Malgré tout, elle reconnaît avoir dit oui en étant consentante. “Mais je savais que ce que je faisais, c'était pas moi. J’étais devenue un légume, je n’avais plus cette capacité de réflexion”, confie-t-elle tout en assurant n’avoir pas été l’objet d’une quelconque “contrepartie financière”. “Il y avait juste une envie, une volonté de nous marier parce qu'on avait 25 ans et que ça commençait à faire tard”.

De retour en France, Afshan attend donc que son mari la rejoigne. Mais sur place, la vie commune ne se passe pas comme prévu. Il est distant et ne semble pas enclin à faire des efforts pour que leur relation fonctionne. “J'ai compris au fur et à mesure du temps que j’étais tombée sur le seul garçon de mon pays qui ne voulait pas venir habiter ici et il a fini par m'avouer qu'en fait, il avait lui aussi été marié de force”. Après avoir persévéré de longs mois, elle ose dire stop et mettra finalement plusieurs années pour obtenir le divorce. Déshonorée par sa famille, elle n’a aujourd’hui plus aucun contact avec son père, ses frères et ses soeurs. Mais qu’importe, Afshan a suivi son instinct. Et ses propres choix l’ont permis de rencontrer un homme avec qui elle vit aujourd’hui une belle histoire d’amour.

Retrouvez l'intégralité de l'interview d'Afshan Riaz