Afghanistan, avec les damnés de l'opium

Dans un pays détruit par quarante ans de guerre, des milliers de zombies errent dans les ruines pour tout oublier.

Dans la pénombre, on ne distingue plus les silhouettes humaines de celles des chiens errants, roulés en boule à leurs pieds crasseux. Un parterre de formes enchevêtrées et fantomatiques – hommes, femmes, adolescents – unies dans l’extase de la défonce et plus encore, dans cette attente dévastatrice qui la précède.

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On finit par entrevoir un visage décharné, une bouche édentée, un regard embrumé, une main rongée par la gale, flashs de misère brièvement éclairés par la flamme vacillante d’un briquet. Pul-e-Sukhta, littéralement le «pont brûlé», dans le quartier de Dasht-e-Barchi, dans l’ouest de Kaboul , est le royaume des damnés d’Afghanistan, échecs vivants de ce nouvel émirat incapable de tenir ses promesses d’éradication du vice.

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Accroupies le long des marches, des grappes de zombies tirent sur leurs pipes de crack pendant que leurs compagnons d’infortune fouillent les poubelles sous le regard de passants qui se pressent. D’autres pataugent dans un filet de rivière jaunâtre où sont rejetées les eaux usées de la ville. Beaucoup de ces miséreux sont d’anciens travailleurs émigrés en Iran. Pendant des années, ils ont tenté d’adoucir la morsure de l’exil autant que leur quotidien de labeur dans les vapeurs de l’opium. De retour chez eux, ils ont basculé dans l’héroïne, désormais incapables de travailler, dévorés par la honte qui les tient éloignés de ces familles pour lesquelles ils ont pourtant tout sacrifié.

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