Affaire Outreau : troisième procès pour D. Legrand

Un des acquittés de l’affaire Outreau, Daniel Legrand, est à nouveau devant les juges. Il doit répondre de viols sur des enfants, qu’il aurait commis lorsqu’il était mineur. Des faits qui n'avaient pas été jugés lors de l'instruction initiale.

Affaire Outreau : troisième procès pour D. Legrand

 L'affaire Outreau fait son retour sur le devant de la scène judiciaire, dix ans après le fiasco qui avait ébranlé l'institution judiciaire. Ce mardi 19 mai s'ouvre dans une ambiance électrique à Rennes, le procès de l'un des 13 acquittés, Daniel Legrand qui doit répondre de viols sur enfants qu'il aurait commis alors qu'il était mineur.

Une tension palpable                

Dès le début de l'audience publique, le président de la cour d'assises des mineurs d'Ille-et-Vilaine Philippe Dary est intervenu pour calmer les échanges tendus entre avocats des parties adverses, réclamant des débats "clairs (et) aussi sereins que possible".                

"On préfère faire le procès des procès que de faire le procès", a déploré lors de l'audience Me Léon Lef Forster, avocat des parties civiles Chérif et Dimitri Delay, tandis que Me Dupont-Moretti, l'un des défenseurs de Daniel Legrand, dénonçait "tous ces gens qui voient des pédophiles partout".

Poursuivi pour des viols

Daniel Legrand - dont le père homonyme et décédé en 2012 était aussi l'un des acquittés d'Outreau - est poursuivi pour des accusations de viols retenues contre lui en 2003 à l'issue de l'instruction initiale de l'affaire Outreau, menée par le juge Fabrice Burgaud, mais qui n'avaient pas encore été jugées pour la période où il était encore mineur.                

Comme pour les faits supposés commis alors qu'il était majeur et pour lesquels il a été acquitté, ces viols présumés auraient été commis sur les quatre fils de la famille Delay, dont le père et la mère ont reconnu avoir abusé sexuellement.                                

Daniel Legrand "serein"            

"Je suis serein (...), je suis prêt pour défendre mon honneur", a affirmé avant l'audience Daniel Legrand, 33 ans. "Ca fait beaucoup pour un innocent, trois procès", a-t-il ajouté.               

"C'est un procès qui n'a absolument aucun sens", avait renchéri Eric Dupont-Moretti, ajoutant qu'"on ne vient pas ici pour démontrer son innocence, elle est acquise".                

"Ca fait 10 ans que je vis avec un puzzle qui n'est pas terminé et seule une belle justice pourra m'apporter cette dernière pièce du puzzle qui pourra me laisser vivre à l'heure d'aujourd'hui", a pour sa part confié l'un des fils Delay, Jonathan.                

"Ça va être difficile pour tout le monde", a reconnu l'un de ses avocats, Me Patrice Reviron. "Et si Daniel Legrand est acquitté à la fin d'un débat qui est loyal, ça ne posera pas de difficulté, y compris à Jonathan: il a envie de parler, il a des choses à dire", a-t-il poursuivi.

Le dossier Outreau                

Le dossier d'Outreau, portant sur un réseau pédophile présumé, a éclaté en février 2001. Mais après deux procès, à Saint-Omer (Pas-de-Calais) en 2004 puis en appel à Paris fin 2005, l'affaire a débouché sur l'acquittement de 13 personnes sur les 17 mises en examen, après parfois trois ans de détention provisoire.

Côté victimes, la souffrance n'est pas moindre chez les fils de Thierry Delay et Myriam Badaoui Delay, condamnés à 20 et 15 ans de réclusion pour les avoir violés avec un couple de voisins, soulignent leurs avocats.

Trois enfants partie civile

Les trois aînés, Chérif, Dimitri et Jonathan Delay, se sont constitués partie civile. Chérif Delay, incarcéré pour une raison non précisée, a été en outre hospitalisé et ne pourra pas venir témoigner, a annoncé le greffe à la cour mardi.                

A l'origine de ce nouveau procès à Rennes, une initiative de l'association de défense de l'enfance, Innocence en danger, venue en aide à plusieurs des enfants Delay après leur majorité. En 2013, elle a rappelé au parquet de Douai que les charges retenues contre Daniel Legrand lorsqu'il était mineur n'avaient pas été jugées et risquaient d'être prescrites.                 

Me Lef Forster assure néanmoins, en réponse aux attaques de certains défenseurs de Daniel Legrand, qu'il ne s'agit pas d'"essayer d'obtenir des jurés et des magistrats qu'ils considèrent que la décision (d'acquittement) doit être remise en cause".

Le juge Burgaud à la barre                

Parmi les 43 témoins cités, les principaux acteurs de l'affaire initiale, comme les "acquittés", mais aussi le juge Burgaud ou Myriam Badaoui, vont défiler pendant trois semaines à la barre.                

Daniel Legrand est aujourd'hui sans emploi et perçoit une allocation d'adulte handicapé. Il encourt 20 ans de réclusion criminelle.