Affaire Nassira El Moaddem : le communiqué de France Inter sur le racisme modifié à deux reprises, et ce n’est pas anodin

Le communiqué initial de France Inter au sujet de Nassira El Moaddem a été très mal accueilli par la journaliste et ses soutiens.
JOEL SAGET / AFP Le communiqué initial de France Inter au sujet de Nassira El Moaddem a été très mal accueilli par la journaliste et ses soutiens.

MÉDIAS - Une polémique alimentée par le Rassemblement national, CNews… et désormais France Inter ? Depuis mercredi 1er mai, la journaliste d’Arrêt sur images Nassira El Moaddem est la cible de menaces en ligne pour s’être indignée des règles strictes de la Fédération française de football (FFF) concernant l’interdiction du port de casques et de collants. Des règles récemment rappelées aux clubs afin de lutter contre les atteintes à la laïcité sur les terrains.

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« Pays de racistes dégénérés. Il n’y a pas d’autres mots. La honte », s’est exclamée la journaliste sur son compte X mardi 30 avril. Flairant l’opportunité d’un buzz, le présentateur de CNews Jean-Marc Morandini interroge le député RN Julien Odoul sur son plateau le lendemain. L’élu d’extrême droite saute sur l’occasion. « Si elle n’est pas contente, qu’elle se casse ! », réagit-il en référence aux origines étrangères de Nassira El Moaddem, bien que celle-ci soit française. Au passage, Julien Odoul demande « que la présidente de Radio France suspende » la journaliste (alors que Nassira El Moaddem n’est pas salariée de Radio France, mais travaille pour le site Arrêt sur images, qui s’est exprimé sur le sujet pour soutenir sa journaliste).

« France Inter la jette sous le bus »

Alors que Nassira El Moaddem devient, comme elle l’écrit sur son compte X, « la cible d’une campagne de harcèlement raciste inouïe, de menaces de mort, d’appels au viol » alimentés par plusieurs médias de l’empire de Vincent Bolloré, d’autres internautes s’adressent pour leur part à France Inter pour demander des comptes à la station. En effet, sur son profil X, la journaliste mentionne l’émission Parcours de combattants pour laquelle elle a collaboré sur la radio publique.

Un premier message de la direction de France Inter en réponse à ces auditeurs suscite alors un tollé chez les soutiens de Nassira El Moaddem. « Chers auditeurs, nous avons bien reçu vos messages et nous les comprenons », écrit alors la direction de la chaîne dans un communiqué publié sur le site de la médiatrice qui précise que « Nassira El Moaddem a ponctuellement collaboré à deux séries d’été pour France Inter en 2021 et 2022 et n’est pas, à ce jour, salariée de l’antenne ou de Radio France ».

« Nous les comprenons » : la formulation de France Inter, qui semble partager l’indignation de Julien Odoul et de ceux qui ont participé au cyberharcèlement de la journaliste ne passe pas auprès de cette dernière. « Donner raison à l’extrême droite c’est creuser la tombe de tous. Si ce n’est pas aujourd’hui, ce sera demain », réagit Nassira El Moaddem.

« La réponse de Radio France est d’une lâcheté assourdissante », dénonce la présidente du groupe écologiste à l’Assemblée Cyrielle Chatelin. « Au lieu de la défendre, la direction macroniste de la radio publique la jette sous le bus », écrit la députée LFI Danièle Obono.

Un communiqué corrigé en catimini

Une maladresse reconnue à demi-mot par France Inter, qui a modifié son communiqué en catimini, comme l’ont constaté les collègues de Nassira El Moaddem à Arrêt sur images ce vendredi 3 mai. « Incroyable : la direction de France Inter modifie son communiqué […]
pour retirer le bout de phrase “nous comprenons” », souligne le journaliste d’Arrêt sur images Loris Guémart sur son compte X.

« Je n’ai plus les mots », a pour sa part réagi Nasssira El Moaddem au sujet de cette correction. « Je n’oublierai pas les mots initiaux : “Nous comprenons votre réaction” », ajoute-t-elle, précisant n’avoir reçu « aucun mot de soutien » de France Inter face au flot de messages hostiles reçus en ligne.

En milieu de matinée ce vendredi 3 mai, le communiqué de France Inter a à nouveau été modifié, comme l’a constaté Le HuffPost. La station rappelle toujours que les propos de la journaliste ne l’engagent pas, mais ajoute cette fois : « Pour autant, nous tenons à condamner les attaques violentes qu’elle subit ces dernières heures sur les réseaux sociaux. »

En milieu de journée, c’est la directrice de France Inter Adèle Van Reeth a pris sa plume sur X, annonçant qu’elle avait échangé avec Nasssira El Moaddem pour lui faire part de son soutien. « Je l’ai dit de vive voix ce matin à Nassira El Moaddem et je le redis ici : les attaques racistes qu’elle subit sont inacceptables. Elle a tout mon soutien », assure la patronne de la station.

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