Khashoggi: Pompeo reçu à Ryad, l'enquête se poursuit à Istanbul

par Leah Millis et Osman Orsal

RYAD/ISTANBUL (Reuters) - Le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo, dépêché à Ryad par Donald Trump à la suite de la disparition du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi, a rencontré mardi le roi Salman d'Arabie saoudite, le prince héritier Mohamed ben Salman et le ministre saoudien des Affaires étrangères Adel al Djoubeïr.

Le chef de la diplomatie américaine et le prince héritier, surnommé "MBS", ont souligné la nécessité de mener une enquête approfondie et transparente, a déclaré la porte-parole du département d'Etat, Heather Nauert. Mike Pompeo a également insisté sur la volonté de Donald Trump de savoir ce qui s'est passé, a-t-elle ajouté.

Mike Pompeo se rendra ensuite à Ankara pour informer la Turquie des éléments qu'il a pu recueillir sur la disparition du journaliste, a indiqué le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu.

Jamal Khashoggi, qui s'est exilé aux Etats-Unis il y a un an, s'est rendu le 2 octobre au consulat d'Arabie saoudite à Istanbul et n'a plus donné de nouvelles depuis lors. Sa fiancée, Hatice Cengiz, assure qu'il n'est pas ressorti du consulat.

Selon des sources proches des services de sécurité turcs, le journaliste a été tué à l'intérieur du consulat par une équipe d'une quinzaine de Saoudiens qui ont regagné le jour même leur pays.

Le président Donald Trump, après s'être entretenu au téléphone lundi avec le roi Salman, a évoqué la thèse de "tueurs incontrôlés" ("rogue killers").

Selon CNN et le New York Times, qui citent des sources non identifiées, Ryad s'apprêterait à reconnaître que Khashoggi a été tué lors d'un interrogatoire qui a mal tourné.

Le New York Times affirme que Mohamed ben Salman avait au départ approuvé un plan prévoyant d'interroger, voir d'enlever le journaliste.

"SUBSTANCES TOXIQUES"

A Washington, le sénateur républicain Lindsey Graham, un proche de Donald Trump, a accusé le prince héritier, selon lui "un personnage nuisible", d'avoir ordonné l'assassinat de Khashoggi.

Un haut fonctionnaire et un membre de la police turque qui ont requis l'anonymat ont affirmé lundi qu'Ankara disposait d'un enregistrement sonore démontrant que Khashoggi a bien été assassiné.

Dans la nuit de lundi à mardi, une dizaine d'enquêteurs turcs ont cherché des indices à l'intérieur du consulat. La perquisition a duré plus de neuf heures.

Des prélèvements de terre effectués dans le jardin du consulat et sur une porte métallique ont été emportés à bord de véhicules de la police scientifique.

Les recherches doivent se poursuivre mardi, non seulement au consulat mais également à la résidence du consul général.

Ce dernier, Mohammad al Otaïbi, a quitté mardi la Turquie pour Ryad, rapporte la presse turque. Il a pris un vol régulier.

Selon le président turc Recep Tayyip Erdogan, certaines choses auraient été soustraites aux recherches menées par la police à l'intérieur du consulat.

"L'enquête s'oriente vers de nombreuses pistes, comme l'utilisation de substances toxiques, et ces choses auraient ensuite été dissimulées et soustraites", a-t-il dit à des journalistes.

Les proches de Jamal Khashoggi ont demandé la formation d'une commission d'enquête internationale.

L'affaire a provoqué une onde de choc à travers le monde.

Les dirigeants des banques HSBC, Standard Chartered et Credit Suisse ont annoncé à leur tour mardi qu'ils ne se rendraient pas au "Davos du désert", une conférence internationale sur l'investissement qui aura lieu du 23 au 25 octobre à Ryad.

(Avec Yesim Dikmen et Sarah Dadouch à Istanbul, Orhan Coskun et Ece Toksabay à Ankara, John Revill à Bâle, Oliver Hirt à Zurich, Lawrence White à Londres, Stephanie Nebehay à Genève; Henri-Pierre André, Jean-Philippe Lefief, Arthur Connan et Guy Kerivel pour le service français)