Affaire Adama Traoré : la cour d’appel se prononce sur le non-lieu contesté par sa famille

La soeur d’Adama Traoré, Assa, ici le 5 septembre 2023. elle est fondatrice du Comité vérité et justice pour Adama et milite contre les violences policières.
JULIEN DE ROSA / AFP La soeur d’Adama Traoré, Assa, ici le 5 septembre 2023. elle est fondatrice du Comité vérité et justice pour Adama et milite contre les violences policières.

JUSTICE - Confirmation du non-lieu ou relance d’un dossier emblématique des violences policières ? La cour d’appel de Paris se prononce jeudi après-midi sur le recours de la famille d’Adama Traoré, mort en 2016, concernant l’abandon des poursuites contre les gendarmes qui l’ont interpellé.

Mort d’Adama Traoré : la justice prononce un non-lieu pour les trois des gendarmes, la famille fait appel

Au terme de sept ans d’investigations, trois juges d’instruction parisiennes ont écarté le 30 août 2023 toute charge à l’encontre des trois gendarmes qui avaient interpellé le 19 juillet 2016 à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise) le jeune homme noir de 24 ans, décédé deux heures plus tard.

La famille, qui dénonce de longue date la conduite de l’enquête, avait immédiatement annoncé faire appel de cette décision. L’audience s’est tenue à huis clos le 15 février devant la chambre de l’instruction de la capitale.

Le « lien de causalité » entre l’interpellation et le décès en débat

À cette occasion, le parquet général parisien a demandé dans ses réquisitions écrites, dont l’AFP avait eu connaissance, la confirmation du non-lieu en faveur des gendarmes, relevant « l’absence d’élément matériel comme intentionnel ». À la satisfaction des parties civiles, le ministère public a toutefois relevé « un lien de causalité » entre l’interpellation et la mort d’Adama Traoré.

Le parquet général a estimé ce lien « à la fois établi et suffisant pour dire que l’intervention des forces de l’ordre envers M. (Adama) Traoré, dans le contexte que les trois militaires ont décrit, et au regard de (son) état de santé au moment de cette intervention, a concouru, même si c’est de manière secondaire, à la survenance de son décès ».

Dans ce dossier où les expertises et rapports médicaux ont joué un rôle capital et ont rythmé l’enquête, le parquet général s’appuyait sur le dernier en date, rédigé par quatre experts belges en 2021 et complété en 2022, concluant que la mort du jeune homme avait été causée, en ce jour de canicule et au terme d’une course-poursuite, par un « coup de chaleur » qui n’aurait toutefois « probablement » pas été mortel sans l’interpellation des gendarmes.

Les experts belges ont considéré, rappelait le parquet général, que « M. (Adama) Traoré, avant son interpellation, souffrait d’une hypoxie sévère et un processus létal était déjà enclenché ». Selon les experts, « de multiples facteurs ont conduit » à sa mort et « chacun des éléments contributifs au décès de M. (Adama) Traoré, pris isolément, n’était pas en soi mortel ».

« Enquête partiale » selon l’avocat des Traoré

Pour Me Yassine Bouzrou, avocat de la famille interrogé par l’AFP, « si la cour d’appel respecte le droit », le non-lieu, fruit d’une « enquête partiale » des juges d’instruction, « ne pourra pas être confirmé ».

Le parquet général a considéré que les militaires avaient « pris les mesures appropriées pour venir en aide de manière effective et bienveillante » à Adama Traoré, « eu égard à la connaissance qu’ils avaient d’une situation particulièrement complexe ».

Mais Me Bouzrou dénonce une absence d’« investigation sur le caractère éventuellement proportionné de (ces) violences volontaires ». Cette thèse, d’après lui, « repose uniquement sur les déclarations contradictoires et évolutives des gendarmes. »

Sollicités par l’AFP, les avocats des gendarmes n’ont pas souhaité commenter avant la décision. Adama Traoré est mort le 19 juillet 2016 dans la caserne de Persan, deux heures après son arrestation à Beaumont-sur-Oise (Val-d’Oise) au terme d’une course-poursuite, un jour où la température avait frôlé les 37 °C.

Il avait été interpellé lors d’une opération visant son frère Bagui, suspecté d’extorsion de fonds. Ses proches, emmenés par sa soeur Assa Traoré, accusent les militaires d’avoir causé sa mort et ont fait de son décès un symbole des violences policières et du racisme, relayé par de nombreuses manifestations en France.

La décision de la cour d’appel ne mettrait pas forcément un terme judiciaire définitif à ce dossier : elle pourrait faire l’objet d’un pourvoi devant la Cour de cassation.

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