Adopter le jargon d’entreprise, c’est comme faire le paon

Le jargon professionnel est omniprésent, notamment dans la technologie, la finance et le conseil. On se voit “ASAP” (as soon as possible, “aussi vite que possible”), on se “ping”, on fait des “101” (one on one, des entretiens individuels). Si ça ne va pas, les “collaborateurs” se font “remercier”. La liste est longue, en plus des termes propres à chaque entreprise, et le site de la BBC s’est demandé pourquoi nous cédions tous à ce langage souvent absurde et presque toujours obscur.

Selon Leon Prieto, chercheur à l’Académie de gestion et professeur de gestion à la Clayton State University, aux États-Unis, les entreprises américaines, puis du monde entier, ont commencé à utiliser du jargon quand les vétérans de la Seconde Guerre mondiale sont revenus sur le marché du travail. Il paraissait alors intéressant d’adopter un langage militaire technique, de parler de stratégie, de tactique, de logistique, car cela donnait l’impression d’être plus précis et plus efficace. Petit à petit, d’autres registres se sont greffés au vocabulaire militaire. Cary Cooper, professeur de psychologie organisationnelle et de santé à l’Alliance Manchester Business School, a remarqué que le langage “corporate” a graduellement viré à l’absurde :

“Avant, il y avait des ‘pertes d’emploi’, puis des ‘réductions d’effectifs’. Ensuite, nous sommes passés au ‘redimensionnement’, parce que nous n’aimions pas le négatif. Maintenant, apparemment, nous avons des ‘ICE’, ‘événements de carrière involontaire’.”

Pour Cary Cooper, cela est lié à “une augmentation globale de l’insécurité professionnelle” : “Si nous étions dans un marché du travail [plus optimiste], je ne pense pas que nous utiliserions autant ce langage. Nous n’aurions pas besoin de dissimuler des choses comme les pertes d’emploi, les fusions ou les restructurations. Maintenant, les gens sont inquiets – et, dans ce contexte, vous allez utiliser un langage drôle pour essayer de dissimuler cela, pour donner l’impression que ce n’est pas aussi grave que vous le pensez. Mais ça l’est.”

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