Les adieux d'Elton John, après 50 ans d'une carrière explosive

Un instant crucial de la carrière d'Elton John se joue ce samedi. Le chanteur britannique de 76 ans donnera à Stockholm (Suède) l'ultime concert de son Farewell Yellow Brick Road, une tournée d'adieu qui parcourt le monde depuis 2018. Ce dernier show, le 333e de ce tour de chant pharaonique, viendra tourner une page décisive sur un succès auquel il goûte depuis cinq décennies.

Un simple chiffre témoigne de la popularité hors du commun du Tiny Dancer: il y a deux semaines, la tournée a dépassé les 900 millions de dollars de recettes, devenant ainsi la plus lucrative de l'histoire.

Un dernier triomphe pour Elton John, qui s'est imposé comme un monument de la musique anglophone grâce à son talent de compositeur hors pair, ses qualités de showman, son sens du tube et ses engagements politiques qu'il n'a jamais reniés.

Un univers "extrêmement perturbé"

Son parcours commence à Pinner, une petite ville au nord-ouest de la capitale anglaise. Elton John naît Reginald Kenneth Dwight le 25 mars 1947.

Sa mélomanie se manifeste presque immédiatement: "J’ai commencé à jouer du piano dès l’âge de trois ans, sur les genoux de ma grand-mère", se souvenait-il en 1991 dans une émission d'Antenne 2, archivée par l'INA.

"Mon père jouait de la trompette (…) J’ai grandi bercé par la musique de Nat King Cole, Johnnie Ray, Doris Day, Jo Stafford (...) Il y avait toujours de la musique à la maison."

Pour autant, le tableau n'a rien d'idyllique. Le petit Reginald grandit dans un univers "extrêmement perturbé", comme le rappelle à BFMTV.com Sophie Rosemont, journaliste culture: "Son père a déserté le foyer familial. Elton John est élevé par sa mère, son beau-père, et sa grand-mère."

Un univers essentiellement féminin qui "soutient sa vocation musicale", bien que sa mère soit une "dure à cuire": "Il trouve refuge dans le piano où il excelle très rapidement à tel point qu’il gagnera une bourse pour apprendre à la Royal Academy of Music."

Un duo légendaire

Dans les années 1960, Elton John forme son premier groupe, baptisé Bluesology, dans lequel il officie comme chanteur et pianiste. Le premier coup du destin intervient en 1967, année au cours de laquelle il fait une rencontre qui va changer sa vie: celle de Bernie Taupin, qui deviendra son principal parolier.

Un duo légendaire: "On lui soumet des textes de Bernie Taupin", relate Sophie Rosemont. "Ils vont se rencontrer autour du talent de pianiste de l'un et du talent de parolier de l'autre." Ce partenariat légendaire va donner naissance à quelques-uns des plus grands tubes de la carrière d'Elton John. Notamment celle qui va tout changer.

C'est le 26 octobre 1971, précisément, que paraît le titre Your Song. Le morceau devient l'un des premiers grands classiques d'Elton John et se classe dans les charts américains.

"Ce n'est pas rien", souligne Sophie Rosemont. "Pour les artistes anglais, c'était très compliqué à l'époque de se positionner dans les classements américains."

C'est à peu près à la même époque qu'Elton John donne un concert décisif au Troubadour, un club très couru de Los Angeles. Ce soir-là, des artistes comme Quincy Jones sont dans la salle: "Ils tombent sous le charme. Quelque chose se passe, Aretha Franklin reprend son morceau Border Song."

La France lui résiste

La première moitié des années 1970 appartient à Elton John. Le chanteur enchaîne les tubes et s'aventure vers des terrains toujours plus pop: Rocket Man, Tiny Dancer, Don't Go Breaking My Heart font de lui une star mondiale. Pourtant, un public lui résiste plus longtemps que les autres: celui de l'Hexagone.

"Il m'a fallu plusieurs années pour avoir la popularité dont j’avais besoin", confiait-il au journal d'Antenne 2 en 1984. "C'était un peu déconcertant parce que la France est l'un de mes pays favoris."

La tendance s'inverse en 1976 avec l'album Blue Moves, à la grande surprise du principal intéressé: "C'est un disque qui n'a pas eu beaucoup de succès ailleurs, et qui pourtant m’a valu mon succès en France." Sur cet album figure l'une des ballades les plus emblématiques de sa carrière, Sorry Seems To Be The Hardest Word.

Elton John enchaîne les concerts mythiques, capable de remplir les plus grands stades comme de se produire dans de petites salles.

Il en avait parlé en 2013 au 20 heures de France 2, juste avant de faire l’Olympia: "J'adore chanter à l’Olympia à cause de l’histoire de ce théâtre. L’ambiance y est incroyable, c'est différent des autres concerts que je fais (...) L’année prochaine je vais chanter à Bercy en novembre, mais ça me plaît de donner des concerts dans des salles moins grandes comme celle-là."

Le chanteur est "de très loin" l'un des plus gros vendeurs de l’histoire: "Il avait le don de faire des records. En 1971, il y a eu quatre albums d'Elton John figurant dans les meilleures ventes. Ce n'était pas arrivé depuis les Beatles."

Pour la spécialiste, Elton John est l'archétype de la pop star, à l'aise dans tous les genres musicaux: "Il a ce charisme extrêmement accessible, une générosité que l'on devine déjà du point de vue scénique, et aussi dans ses chansons parce que grâce à l’aide de Bernie Taupin, il se rapproche de l’auditeur."

"Il peut aussi se montrer drôle, ambitieux, désespéré... et puis il y a aussi ses looks qui sont très impressionnants."

"Cette flamboyance vestimentaire ne vient pas de nulle part", poursuit Sophie Rosemont. "Il avait envie de s'habiller comme toutes les grandes icônes gays avant lui. Il avait une pièce spéciale pour ses lunettes, cet apparat lui a permis de vivre mieux, lui qui était mal dans sa peau."

Star mondiale au style inimitable, Elton John est aussi victime de ses démons intérieurs. Son addiction aux drogues menace sa carrière. Jusqu'au jour où il décide de tout changer.

"Je me suis retourné sur ma vie. Je me suis rendu compte que j’étais égoïste. Je me suis rendu compte à quel point ma vie était mauvaise. Alors j'ai décidé de la changer", confiera-t-il des années plus tard.

Engagé pour la communauté LGBT

Il décide de s'engager dans des actions caritatives: "J'ai toujours essayé d'aider les autres. Mais plutôt que de les aider avec de l'argent, j'ai essayé de les aider en donnant de mon temps. Je crois que c'est plus noble, que ça a plus de valeur."

Elton John crée notamment une fondation pour lutter contre le sida et s'engage pour les droits de la communauté LGBT avec des prises de parole qui ont été une source d’inspiration pour des millions de personnes à travers le monde.

"Très peu de personnes très connues le faisaient à l’époque", souligne Sophie Rosemont. "Le sida a longtemps été un tabou. Elton John a été touché de près. Il a vu des gens qu'il aimait mourir du sida. Il a donné de son temps et aussi de l'argent, du soutien psychologique et financier à la communauté gay qui était extrêmement touchée et endolorie dans les années 1980-1990 et qui a su qu'il était toujours là."

Marié une première fois avec une femme, il épouse en juillet 2012 le Canadien David Furnish. Cette année-là, le Royaume-Uni devient le quatrième pays d’Europe à reconnaître l’union entre personnes de même sexe. Elton John et David Furnish font partie des 700 couples qui se sont présentés dans les salles de mariage dès le premier jour.

Le couple a eu deux enfants, nés par mère porteuse: Zachary et Elijah, aujourd’hui âgés de 13 et 10 ans. En 2016, dans les colonnes du Daily Mirror, l'artiste aux mille tubes a fait savoir qu'il ne léguerait pas l'intégralité de sa fortune à ses fils. Il expliquait ceci: "Il leur faut un semblant de normalité, un peu de respect pour l'argent, un peu de respect pour le travail."

Article original publié sur BFMTV.com