Abstention record, vague verte, fiasco pour LaREM... Les cinq leçons du second tour des municipales

L'écologiste Grégory Doucet au soir de sa victoire à la mairie de Lyon, le 28 juin 2020  - JEFF PACHOUD © 2019 AFP
L'écologiste Grégory Doucet au soir de sa victoire à la mairie de Lyon, le 28 juin 2020 - JEFF PACHOUD © 2019 AFP

Lyon, Bordeaux, Strasbourg... En raflant un nombre historique de grandes villes, les Verts s'établissent comme les grands vainqueurs de ces élections municipales, perturbées par l'épidémie de coronavirus. Mais leur victoire dans les grandes villes ne doit pas faire éclipser la bonne résistance des partis traditionnelles et surtout l'abstention, historique pour un tel scrutin. Voici les cinq leçons à retenir de ces élections.

• L'abstention remporte le scrutin, sur fond de coronavirus

Parmi les 16,5 millions d'électeurs appelés à voter dans les 4820 communes engagés le second tour des municipales, les électeurs sont nombreux à avoir boudé le scrutin. Le taux de participation s'établit entre 40% et 41%, selon les estimations, contre 62,1% en 2014.

Cette abstention historique s'inscrit dans le contexte de crise sanitaire liée à l'épidémie de coronavirus, qui a freiné les électeurs, malgré des mesures sanitaires renforcées, alors que les candidats n'ont quasiment pas pu faire campagne, trois mois après un premier tour déjà marqué par une forte abstention.

Emmanuel Macron a "marqué sa préoccupation pour le faible taux de participation aux élections municipales", qui n'est "pas une très bonne nouvelle", a fait savoir l'Élysée dans la soirée.

Cette abstention a également été commentée par Jean-Luc Mélenchon, qui s'est inquiété "d'une grève civique" des Français, "d'une forme d'insurrection froide contre toutes les institutions du pays". "C'est donc un moment compliqué, dangereux, de la vie de la nation qui se présente devant nous", a-t-il estimé.

"Encore une fois, c'est la France de l'abstention qui l'emporte", a abondé le président LR du Sénat, Gérard Larcher. "La crise sanitaire ne peut expliquer à elle seule, une si faible participation", a-t-il jugé dans un communiqué. "Le mal est plus profond et plus ancien. Crise après crise, notre pays se fracture, la défiance s'installe. Il nous appartient de recréer la confiance."

• Une vague verte déferle sur la France

Les écologistes remportent une large victoire à Lyon, où Grégory Doucet, à la tête d'une coalition EELV-PS-PCF-LFI, arrive en tête avec plus de 50% des voix, selon les estimations, devant Yann Cucherat, poulain du maire sortant Gérard Collomb.

Les écologistes gagnent aussi Bordeaux où Pierre Hurmic arrive en tête devant le maire sortant LR Nicolas Florian, mais aussi Strasbourg (Jeanne Barseghian obtient 42,5% des voix), Tours, Poitiers, Besançon, Annecy.

La situation est plus confuse à Marseille où Michèle Rubirola, à la tête d'une coalition de gauche, obtient autour de 40% des voix, devant la candidate LR Martine Vassal et le candidat RN Stéphane Ravier. Mais Martine Vassal a refusé de reconnaître sa défaite, donnant rendez-vous vendredi 3 juillet à l'élection du maire par le conseil municipal.

Jusqu'ici, les Verts n'étaient aux commandes que d'une seule ville, Grenoble, conquise en 2014. Leur percée inédite pourrait rebattre les cartes dans le camp de la gauche.

"Ce soir c'est historique, depuis 40 ans jamais les écologistes n'ont été en mesure de peser autant sur le cours des choses et de pouvoir engager dès demain la transition écologique dans la justice sociale dans tant de villes", a réagi le secrétaire national d'EELV, Julien Bayou, dimanche soir sur RTL.

Cette déferlante verte devrait amener Emmanuel Macron à intervenir dès lundi matin en recevant à l'Elysée les membres de la Convention citoyenne sur le climat à qui il entend apporter des "réponses fortes" et "à la hauteur des enjeux et des attentes", a fait savoir l'Élysée dans la soirée.

• LaREM boucle une séquence aux airs de fiasco

C'est l'une des rares bonnes nouvelles pour la majorité, voire la seule. Le Premier ministre Edouard Philippe l'a largement emporté dimanche au Havre avec près de 59% des voix face au député PCF Jean-Paul Lecoq. Cette victoire conforte le chef du gouvernement, alors que se profile un important remaniement

Elle ne masque pas pour autant le fiasco électoral pour LaREM, symbolisé notamment par la défaite cuisante d'Agnès Buzyn à Paris: l'ex-ministre de la Santé, arrivée seulement en troisième position, n'a pas réussi à obtenir suffisamment de voix pour devenir conseillère de Paris et sera seulement conseillère d'arrondissement.

La porte-parole du gouvernement, Sibeth Ndiaye, a fait part de la "déception" de la majorité, qui a enregistré des scores parfois "extrêmement décevants" en raison de ses "divisions" lors de ces municipales.

• Le RN l'emporte à Perpignan

Le "front républicain" n'a pas fonctionné à Perpignan, où le candidat du RN Louis Aliot l'a emporté avec 53,09% des suffrages face au maire sortant Jean-Marc Pujol (LR). Avec ses 120.000 habitants, il s'agit de la plus grosse ville conquise par le RN depuis Toulon (1995-2001). Le parti gagne aussi les villes de Moissac (Tarn-et-Garonne), Bruay-la-Buissière (Pas-de-Calais).

Perpigan est "une victoire symbolique" et "un vrai déclic, parce que nous allons aussi pouvoir démontrer que nous sommes capables de gérer de grandes collectivités", a estimé Marine Le Pen.

Pour autant, les municipales ne sont pas l'occasion d'une moisson électorale pour le RN, qui n'engrange pas d'autre victoire majeure et ne réussit ainsi pas à l'emporter à Carpentras (Vaucluse). Il perd également sa seule mairie d'arrondissement à Marseille, celle des 13e et 14e arrondissements, dirigée jusqu'ici par Stéphane Ravier, mais aussi les villes de Mantes-la-Ville (Yvelines) et du Luc (Var). Le parti de Marine Le Pen conserve ainsi huit des dix villes gagnées en 2014.

• LR et le PS résistent bien

Outre Hidalgo qui conserve Paris, le PS garde Lille, où Martine Aubry remporte de justesse son 4e mandat, avec seulement 227 voix d'écart, contre son concurrent écologiste Stéphane Baly. Les socialistes remportent Nancy, où Mathieu Klein obtient 54,54% des voix contre le maire sortant radical Laurent Hénart, mettant fin à 73 ans de règne de la droite dans la ville. Ils conservent aussi Rennes, Nantes et Le Mans.

Le Premier secrétaire du PS Olivier Faure s'est félicité des "formidables victoires" remportées par les socialistes et les écologistes, souvent rassemblés au second tour. "Voilà ce qui se passe, on a dans ce pays quelque chose qui est en train de naître, un bloc social-écologique qu'il faut maintenant consolider".

À droite, Les Républicains font les frais de la vague verte dans les métropoles, avec notamment une défaite très symbolique à Bordeaux, où la droite perd la mairie après 73 ans de règne. Pour autant, le parti conserve un solide ancrage local et revendique la victoire dans "plus de la moitié" des villes.

Ils gardent Toulouse, où le maire sortant Jean-Luc Moudenc (soutenu par La République en marche) l'emporte. À Nice, le maire sortant Christian Estrosi (Les Républicains) a revendiqué la victoire dans sa ville, et à Aix-en-Provence la LR Maryse Joissains-Masini a été réélue avec 43,5% des voix.

"On renoue avec la victoire après l'échec des présidentielles, des législatives, des européennes", a assuré le président des Républicains Christian Jacob.

LR avait affiché la même satisfaction à l'issue du premier tour, revendiquant (seul ou avec ses alliés) la victoire dans plus de la moitié des villes de plus de 9.000 habitants. Plusieurs maires avaient été réélus: François Baroin à Troyes, Jean-François Copé à Meaux, Natacha Bouchart à Calais....

Article original publié sur BFMTV.com