"Un aboutissement": la juge d'instruction en charge du dossier Maëlys raconte les aveux de Lelandais

"Un aboutissement": la juge d'instruction en charge du dossier Maëlys raconte les aveux de Lelandais

Elle évoque pour la première fois ce "dossier unique dans une vie". Gaëlle Bardosse a vécu pendant trois ans et demi avec l'ombre de la petite Maëlys, enlevée et tuée en août 2017 par Nordahl Lelandais. "Même à la maison, je passe un temps fou au téléphone avec les enquêteurs. Je ne peux pas m’arrêter. Je pense continuellement à Maëlys, à savoir ce qu’elle est devenue, à l’enquête", se souvient la juge qui a instruit cette affaire criminelle.

La magistrate rencontre Nordahl Lelandais pour la première fois le 3 septembre 2017. La petite Maëlys a disparu sept jours plus tôt lors d'une fête de mariage à Pont-de-Beauvoisin en Isère. Rapidement les soupçons se portent sur l'ancien maître-chien de l'armée: l'ADN de la fillette est retrouvé dans son véhicule et le suspect a passé plusieurs heures à nettoyer sa voiture au lendemain de la disparition de l'enfant.

"Lors de son interrogatoire qui durera plusieurs heures, il va tout nier", témoigne Gaëlle Bardosse auprès du Parisien et de RTL.

"Un grand moment"

La juge a alors cette impression que Nordahl Lelandais "s'adapte aux éléments qu'on lui présente". Toujours "poli", jamais "un mot plus haut que l'autre", dans la "maîtrise, pendant de longs mois, l'homme nie. "On ne comprend pas qu’il s’enferme dans cette négation", s'étonne encore Gaëlle Bardosse, notamment lorsque les enquêteurs lui présentent des photos de son véhicule quittant le mariage et dans lequel est filmé une ombre blanche s'avérant être celle de Maëlys.

Un seul élément finira par le faire craquer. Un élément obtenu grâce à la persévérance de la magistrate. "Le 23 janvier 2018, je vais ordonner un complément d’expertise à l’expert qui estime dans un premier temps que ce n’était pas utile", explique-t-elle. Ces nouvelles analyses vont se concentrer sur le coffre du véhicule de Nordahl Lelandais. "C'était notre espoir", poursuit-elle. Une goutte de sang a fini par être découverte, faisant basculer l'enquête.

"Dès que l'expert a eu les résultats, il m’a appelée pour me dire que l’on avait retrouvé l’ADN de Maëlys sous le tapis de sol du coffre, détaille Gaëlle Bardosse. C’est un grand moment que je n’oublierai jamais."

"Des coups avec une force terrible"

"C’est une libération, un aboutissement", explique-t-elle, alors que Nordahl Lelandais, confronté à cette "preuve irréfutable", finit par avouer le meurtre de l'enfant et conduit les enquêteurs jusqu'au corps. Exprimant des regrets, "il est tombé à genoux en disant qu’il s’excusait, qu’il s’en voulait".

L'enquête a également dû déterminer les conditions dans lesquelles la petite fille a été tuée. Au départ Nordahl Lelandais évoque un seul coup, "un geste qu'il n'a pas pu contrôler". Les légistes estiment que plusieurs coups ont été portés.

"Il porte ses coups avec une force terrible. C’était sidérant, se souvient la juge qui a assisté à la reconstitution du meurtre qui s'est déroulée en septembre 2018. Je me souviens du silence à ce moment-là."

Au cours de cette instruction, la magistrate a dû gérer la dimension émotionnelle de cette affaire qui a ému la France entière. Face aux parents, elle a dû garder "de l'empathie, mais ne pas être dans la sympathie" et donner une "figure humaine" à l'institution judiciaire.

Le jour où le corps de la jeune enfant a été découvert, malgré la pression médiatique, Gaëlle Bardosse a réussi à prévenir les parents de la fillette avant que l'information ne soit révélée.

"C’était un moment très difficile. Il y avait cette émotion qui me submergeait en me disant, enfin on va pouvoir rendre l’enfant à sa famille."

Gaëlle Bardosse se demande encore si elle a eu "les bons mots" ce jour-là. Elle s'interroge aussi pour savoir si toute la lumière a été faite sur cette affaire, alors que Nordahl Lelandais a été condamné pour le meurtre de Maëlys à la réclusion criminelle à perpétuité assortie d'une peine de sûreté de 22 ans. "On peut se poser évidemment la question du mobile sexuel (...) Mais il manquait des éléments du puzzle que seul Nordahl Lelandais détient."

Article original publié sur BFMTV.com