Abigail, atteinte du trouble borderline : "On en meurt, de cette souffrance. Elle est tellement grande qu'on en arrive à mettre fin à nos vies"

Une personne sur quatre est atteinte d’un trouble psychique à un moment de sa vie. Et la pandémie de Covid-19 a encore renforcé ces troubles. Pour briser le tabou, personnalités et anonymes se confient au micro de Yahoo dans "Tourments", le nouveau format de Yahoo.

Le trouble de la personnalité borderline ne se voit pas. C’est pourtant un démon invisible qui touche des milliers de personnes en France. Abigail est l’une d’elles et a accepté, pour Yahoo, d’évoquer ce mal dont elle est atteinte. La jeune femme de 25 ans s’est notamment exprimée sur ses premiers symptômes, l’annonce de son diagnostic et s’est livrée sur le chemin parcouru depuis.

Abigail doit faire front. Atteinte d’un trouble de la personnalité borderline, la jeune femme de 25 ans a traversé de sombres périodes ces deux dernières années, des moments douloureux qu’elle a accepté d’évoquer au micro de Yahoo. Elle s’est notamment exprimée sur ses allers-retours à l’hôpital psychiatrique et sur les conséquences de ce mal-être sur ses relations sociales et son estime d’elle-même (Retrouvez l'intégralité de l'interview en fin d'article).

"À partir de mes 10 ans, j'ai commencé à avoir des pensées suicidaires. Je voulais disparaître"

Abigail s’est presque toujours sentie "différente". Consciente de ne pas entrer dans le moule, la jeune fille commence à s’isoler peu avant l’adolescence. "Entre mes 10 et 12 ans, j’ai vraiment commencé à avoir des pensées très sombres. Je me faisais des scénarios assez morbides", se remémore-t-elle tout en expliquant avoir toujours ressenti une sensation de vide. Pour elle, sa vie n’a aucune importance. Qu’elle soit présente ou pas, le monde continuera de tourner, se répète-t-elle constamment.

C’est à l’âge de 14 ans que les symptômes s’accentuent. Un énorme "décalage" se crée alors entre elle et les autres, un fossé qui la pousse à s’automutiler. "Je me voyais comme un monstre, je ne supportais pas de me regarder dans le miroir, je voulais vraiment disparaître", confie-t-elle, expliquant vouloir "se punir" d’une certaine manière. "Ressentir de la douleur physique me permettait de revenir dans mon corps et peut-être d'un peu moins entendre les souffrances de mon psyché", explique-t-elle pour justifier son comportement.

"Je suis un monstre. Je ne mérite pas de vivre"

À 24 ans, le diagnostic tombe. Abigail est atteinte d’un trouble de la personnalité limite, plus communément appelé trouble borderline. Chez elle, il se traduit par une hypersensibilité, une impulsivité, une peur très forte de l’abandon et du rejet, une image d’elle-même assez distordue et une impression de basculer constamment dans les extrêmes. Comme elle l’explique, l’importance pour elle à cette période est de se sentir "incluse". Par conséquent, elle choisit de camoufler ses émotions et se veut contrainte de "porter un masque social très fort".

Seulement voilà : sans grande surprise, Abigail se contient et accumule beaucoup. Au final, elle est constamment confrontée aux deux mêmes cas de figure. Soit "l’explosion" dans une situation totalement lambda, soit "l’implosion", responsable de comportements autodestructeurs comme la mutilation ou encore la boulimie.

Retrouvez l'intégralité de l'interview Tourments d'Abigail dans notre podcast :

"Si la vie et la mort tenaient à un bouton, j'aurais appuyé plus d'une fois sans aucun regret"

Plus les années passent et plus son mal-être est perceptible. Son état dépressif s’aggrave, justifiant ainsi son hospitalisation. "Lorsque je suis arrivée aux urgences psychiatriques, j’étais au fond du trou, dans un état chaotique", se rappelle-t-elle avec émotion. "Ils ont pris la meilleure décision me concernant, je n’étais plus du tout en capacité de prendre soin de ma sécurité".

Aujourd’hui, Abigail est très reconnaissante d’en être passée par là, une étape compliquée dont elle est sortie avec brio. "Si je suis là encore aujourd’hui, ce n’est pas parce que j’ai été plus forte que mes pensées suicidaires, c’est parce que j’ai été hospitalisée", tient-elle à rappeler tout en appelant la population à prendre conscience de la gravité des troubles psychiques. "La souffrance est tellement grande qu’on en arrive à vouloir mettre fin à nos vies".

"C’est un mal totalement invisible aux yeux des autres"

Désormais, la jeune femme de 25 ans, qui suit un traitement médicamenteux, souhaite faire passer un message afin de rendre ce mal-être plus "réel" aux yeux de tous. Elle veut communiquer sur son histoire afin qu’elle profite à d’autres. "Nous sommes nombreux à souffrir de troubles psychiques et à tout faire pour cacher nos difficultés mais cela demande énormément d’énergie. Si nous n’en parlons pas, comment voulez-vous que la société puisse comprendre le chemin parcouru et le courage que cela demande d’aller se faire suivre ?", se questionne-t-elle.

"Je me disais que de toute façon, je ne méritais pas l'amour des autres"

Et si sa famille est présente pour la soutenir dans les différentes épreuves qu’elle traverse, Abigail a toujours eu du mal à se reposer sur l’épaule d’un petit-ami. Elle reconnait d’ailleurs avoir eu des "débuts très chaotiques" dans ses relations sentimentales. Comme elle l’explique, son cerveau est toujours en ébullition, prêt à dégainer des milliers de pensées négatives à la seconde. "J’étais tout le temps dans un état d’hyper vigilance, j’avais un sentiment d’imposture. J’avais peur que la personne me quitte si elle s’apercevait de qui j’étais réellement". Par conséquent, sa technique pour éviter de souffrir était d’abandonner avant d’être elle-même abandonnée. Consciente de sa dépendance affective, elle reconnaît avoir toujours eu besoin "d’exister" au travers du regard de l’autre.

Mais les ruptures l’anéantissent. La période de deuil est très dure à supporter. "Mes pensées sont totalement destructrices et non constructives. Je me répète constamment ne pas mériter l’amour des autres". Mais fort heureusement, Abigail trouve une porte de sortie dans "la thérapie des modes et des schémas", un programme "révolutionnaire" spécialisé pour les personnalités borderline. "Il s’agit d’un apprentissage des relations entre êtres humains", explique-t-elle tout en confiant "être super fière" d’elle et du chemin parcouru. "Aujourd’hui, je suis beaucoup plus stable, j’entretiens des relations beaucoup plus saines et je me sens beaucoup plus sécurisée dans mes liens affectifs", conclut-elle, expliquant qu’elle souhaite désormais laisser place au plaisir. Son prochain objectif est d’ores et déjà acté, elle veut réaliser un tour du monde.

Retrouvez l'interview d'Abigail en intégralité :