A Abbeville, l'heure de la rupture entre Ruffin et le "boulet" Mélenchon

Trois semaines qu'il pâtit du "boulet" Mélenchon, épouvantail pour ses électeurs potentiels dans la Somme. Fin de partie: à trois jours du second tour des législatives, François Ruffin, en ballotage défavorable, acte une rupture ferme avec La France insoumise et son patriarche.

Sous le kiosque à musique de la place de l'hôtel de ville d'Abbeville, aux couleurs de Paris-2024 pour le passage de la flamme olympique, un groupe de rock reprend "Highway to Hell" d'AC/DC.

Son enfer à lui, François Ruffin espère en être enfin sorti jeudi matin: il vient d'annoncer sur RTL qu'il ne siégerait pas avec La France insoumise en cas de réélection dans sa circonscription de la Somme.

"On a vécu trois semaines dures parce qu'on a un boulet", poursuit-il auprès de l'AFP, avant de soupirer: "Vous l'avez entendu. C'est Mélenchon, Mélenchon, Mélenchon, Mélenchon comme obstacle au vote."

"Dans des terres comme ici, dans des terres populaires, ça bloque", tranche-t-il, lui dont la réélection est loin d'être acquise, avec 33,92% des voix contre 40,69% à son opposante du Rassemblement national.

Dans la Somme, le RN est arrivé largement en tête dans quatre des cinq circonscriptions.

A Abbeville, les habitants sont massés dans les rues pour le passage de la flamme. Le leader du micro-parti Picardie Debout part à leur rencontre, régulièrement interpellé par des électeurs réticents à l'idée de glisser dans l'urne un bulletin à son nom dimanche.

"Je vous donne un petit truc comme ça: j'ai annoncé ce matin que je ne siégerais pas avec La France insoumise", répète-t-il à l'un d'eux, Guillaume Lartisien, qui vient de le stopper sur un trottoir.

Ce fonctionnaire dans le social, 51 ans, s'en félicite. "Mélenchon, avec son discours extrémiste, peut être un repoussoir pour certains adhérents de gauche", dit-il, souhaitant voir émerger "une autre gauche, plus tolérante, plus ouverte".

- "Rien à voir" -

"Je suis de gauche, hein ! Et j'embrasse toute la famille", lance ensuite François Ruffin à un couple de septuagénaires à vélo, dont la femme "réfléchit encore" à son vote.

"Mélenchon fait beaucoup de mal, il fait peur à énormément de monde", regrette un autre habitant auprès du député.

"Ben vous voyez, ça fait trois semaines comme ça...", souffle Ruffin, visiblement soulagé par la rupture, après avoir retenu ses coups pendant la quasi-totalité de la campagne.

Sur le tract distribué jeudi par les militants, le message inscrit en lettres capitales au recto se veut on ne peut plus clair: "FRANCOIS RUFFIN N'A RIEN A VOIR AVEC JEAN-LUC MELENCHON."

"J'ai choisi la +Force tranquille+", explique le député sortant au dos du prospectus, s'inscrivant dans les pas de la campagne présidentielle de François Mitterrand en 1981.

A moins de 36 heures de la période de réserve et à trois jours du second tour, l'heure est à l'urgence: il veut aller chercher les 29.000 abstentionnistes de la circonscription et les 12.000 électeurs de la candidate du camp présidentiel, qui s'est désistée après le premier tour.

Mais au cours de leur déambulation à Abbeville, Ruffin et son équipe prêchent surtout des convaincus.

Devant un bureau de tabac, la tenancière sort à toute allure: "J'ai failli vous manquer!", s'amuse-t-elle, avant de prendre un selfie avec le candidat. Encore une électrice déjà acquise.

Alors le député l'enjoint: "Vous m'en trouvez un qui est pas allé voter, vous me le ramenez par la peau du dos !"

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