A quoi ressemble Växjö, la ville la plus verte d’Europe ?

Située au cœur d’une forêt de sapins en plein sud de la Suède, la petite ville de Växjö se débarrasse progressivement de ses énergies fossiles depuis 1991. A l’heure où les chefs d’Etats débattent encore du problème à la Cop21, Bo Frank, maire de commune la plus verte d’Europe, a un léger temps d’avance.

A Växjö, l’objectif est simple : d’ici à 2030, les 85 000 habitants voudraient s’être débarrassés de toutes leurs énergies fossiles, qui incluent le pétrole, le charbon ou encore le méthane. Il y a vingt-quatre ans, le Conseil municipal faisait ainsi de cette petite ville suédoise la première ville au monde à opter pour cette décision écologique radicale.

Un taux de CO2 exceptionnellement bas

Les chiffres parlent tout seul : en 2014, chaque habitant produisait 2,4 tonnes de CO2 (contre 6,8 tonnes pour un Européen et 9 pour un Français), soit une baisse de 48% par rapport à 1993. La croissance n’a pas subi de contrecoup ; au contraire, entre 1993 et ​​2012, le PIB par habitant a augmenté de 90 %. Depuis qu’elle porte le statut de "ville la plus verte d’Europe", attribué en 2007 par la BBC, Växjö, qui domine le Småland (région du sud de la suède) de ses centaines de lacs et de son immensurable forêt, se bat pour garder et mériter ce statut.

Flickr/Red Devil Photo
Flickr/Red Devil Photo

"Chaque citoyen doit y contribuer" annonce Bo Frank, le maire de la ville, dans une enquête réalisée par le Guardian. "Vous ne pouvez pas blâmer les autres et vous attendre à ce qu’ils fassent tout. Vous devez commencer par vous-même : votre manière de consommer, de vivre, de conduire, d’utiliser les transports, la chaleur et l'électricité. Beaucoup de gens exigent un changement." Cet élu de 61 ans, qui porte autant dans son cœur l’écologie que les Beatles, qu’il affiche sur ses vêtements comme dans son bureau, a abandonné les cheveux longs et les vêtements fleuris qu’il portait à l’époque de son élection, il y a vingt ans, mais pas ses objectifs.

Du bois, du bois, du bois

A Växjö, pour se réchauffer face aux – 10°C hivernaux, on utilise la biomasse. Un réseau de chauffage urbain récupère des matières non polluantes (déchets ménagers, boues des stations d’épuration et résidus des exploitations forestières) pour fournir à la ville 90 % de la chaleur  et un quart de son électricité. Le reste de l’électricité est produit par de petites unités hydroélectriques, éoliennes, biogaz et solaire, et quelques importations. Les promoteurs achetant de nouveaux terrains ont par ailleurs l’obligation d’adhérer à ce système de chauffage local.

Les branches et cimes des arbres avoisinants sont envoyés aux imprimeries locales ou à Ikea, qui en fera des meubles (le siège de l’entreprise se situe non loin, à Älmhult), tandis que les cendres de bois brûlé servent à fertiliser le sol des forêts. Tous les bus municipaux fonctionnent au biogaz et le vélo est devenu primordial ; la mairie prévoit d’élargir les pistes cyclables et les rues piétonnes, et de promouvoir les voitures électriques. Dès l'école maternelle, on apprend aux citoyens à se soucier de l’avenir écologique de la ville. A un an, ils apprennent à trier leurs déchets et cumulent les sorties en forêt. 

Enfin, 40 % des aliments des établissements publics (type nurseries ou hôpitaux) sont bios, tandis que la semaine est ponctuée de menus végétariens. "J’ai l'espoir de présenter les lundis sans viande (…). Paul McCartney a dit que si tous les abattoirs avaient des murs de verre alors, tout le monde serait végétarien" confie Bo Frank au Guardian.

La cathédrale de Växjö  Flickr/Sk12
La cathédrale de Växjö  Flickr/Sk12

La course à l’écologie contre le Danemark 

Les huit partis qui couvrent le spectre politique ont peu à peu accordé leurs agendas écologiques. "Nous ne débattons pas, même au niveau local. C’est comme s’il y avait huit partis écologiques" ajoute le maire. C’est ailleurs que la ville de 30km2 commence a avoir de sérieux concurrents : la capitale danoise, Copenhague, émet 2,8 tonnes de CO2 par habitant chaque année et espère dépasser Växjö en se débarrassant de ses combustibles fossiles d'ici à 2025.

Autre bémol : Växjö grandit vite. Avec ses 1100 nouveaux habitants annuels et l’hébergement temporaire qu’elle propose à des centaines de demandeurs d'asile venus, entres autres, de Syrie ou d'Afghanistan, elle se voit obligée d’étendre son réseau de chauffage. La population grandissante freine l’élimination définitive des combustibles fossiles.Sur les 2,4 tonnes de CO2 émises par chaque habitant, deux sont en effet dues aux transports.

Mais Bo Frank est plein d’espoir : il se plait  à signer ses emails et les fiches du conseil  par la phrase finale de l’album des Beatles Abbey Road, sorti en 1969 : "Love you take is equal to the love you make".