8 mars : les femmes vieillissent, et elles méritent mieux que du mépris

 « Personne n’échappe à l’âgisme mais les femmes le subissent beaucoup plus tôt, avec des conséquences beaucoup plus importantes », résume Fiona Schmidt
Halfpoint Images / Getty Images « Personne n’échappe à l’âgisme mais les femmes le subissent beaucoup plus tôt, avec des conséquences beaucoup plus importantes », résume Fiona Schmidt

ÉDITO - « Toi, femme, à mesure que ta beauté ou ta jeunesse s’estompent, tu t’apercevras que tu deviens peu à peu transparente. Bientôt, on te heurtera sans te voir. » Benoîte Groult le racontait dans son roman La Touche étoile : vieillir pour une femme rime souvent avec exclusion et invisibilisation. Car les femmes de plus de 50 ans ont beau représenter plus de la moitié de la population féminine majeure, leurs problèmes, leurs considérations, voire leur existence tout court, sont le plus souvent passées à la trappe d’une société obsédée par la jeunesse.

Dans un monde du travail qui valorise peu les séniors, les écarts de salaires entre les femmes et les hommes se creusent avec l’âge. Elles ont un taux d’emploi moins élevé que celui des hommes et sont plus souvent en temps partiel ou sous employées. Une situation corrélée aux alertes du rapport 2023 du Secours catholique : 11 % des bénéficiaires de l’association sont des femmes seules de plus de 55 ans, et le pourcentage est en augmentation. Cette exclusion du marché du travail coïncide, et ce n’est peut-être pas un hasard, avec celle du « marché à la bonne meuf » conceptualisé par Virginie Despentes : avec cette ménopause toujours taboue, vient la fin de la fertilité des femmes et donc, dans l’imaginaire collectif, celle de leur désirabilité.

Double standard et clichés

Autant de raisons pour qu’en ce 8 mars 2024, pour la journée internationale des droits des femmes, Le HuffPost s’intéresse à toutes celles qui, passé le cap de la cinquantaine, ne se sentent plus considérées.

Dans notre interview avec Fiona Schmidt, l’essayiste, qui a signé Vieille Peau en 2023, souligne le double standard dont sont victimes les femmes vieillissantes, considérées comme périmées dès qu’elles n’ont plus leurs règles. « Personne n’échappe à l’âgisme, mais les femmes le subissent beaucoup plus tôt, avec des conséquences beaucoup plus importantes. Tout cela contribue à réduire notre espérance de vie sociale, regrette-t-elle. La plupart d’entre nous avons l’impression que tout se joue avant 40 ans. Si avant cet âge, nous n’avons pas coché les cases du bingo de la féminité, c’est-à-dire qu’on est en couple, mariée, qu’on a un enfant, etc. Eh bien, on a raté notre vie. Je rappelle que la moyenne de vie d’une femme est de 85 ans. Cela veut donc dire que l’on passe plus de la moitié de notre vie dans une espèce de sas symbolique vers la fin. »

« Être une femme, c’est la double peine quand on est vieux », dénonce l’autrice Fiona Schmidt

Ce double standard est particulièrement criant au cinéma, « dernier rempart de la domination masculine sous sa forme la plus choquante », selon Geneviève Sellier, professeure émérite en études cinématographiques à l’Université Bordeaux Montaigne. Comme le montre notre article sur le sujet, à l’écran, les femmes de plus de 50 ans se font rares – en 2021, sur l’ensemble des films français, seuls 7 % des rôles étaient attribués à des actrices de cette tranche d’âge.

Alors que les témoignages d’actrices victimes d’abus et de prédation à l’adolescence se multiplient ces dernières semaines, l’exploitation du corps des jeunes filles au cinéma et l’invisibilisation des femmes vieillissantes sont les deux faces d’une même pièce. Les femmes d’âge mûr peuvent « résister car elles ont de l’expérience. Donc évidemment, celles-là, on les évite, on les exclut et on jette son dévolu sur des corps jeunes, à peine pubères qui réactivent la nostalgie de la jeunesse chez tous ces vieux messieurs », analyse la professeure.

8 mars : dans le cinéma français, « on évite les femmes mûres » et les actrices en payent le prix

La date butoir de la ménopause n’a pourtant rien à voir avec la manière dont les femmes se perçoivent et se comportent. Agnès en a témoigné auprès du HuffPost, quand elle a dépassé la cinquantaine, on s’est mis à lui coller des étiquettes de « mémère ». Comme si son âge la rendait d’un coup moins intéressante, curieuse ou dynamique. Son expérience réfute tous ces stéréotypes : elle estime ne jamais avoir été aussi épanouie et se réjouit d’avoir une vie de retraitée très riche, qui ne se réduit pas à être une « mamie gâteau ».

« J’ai 65 ans et j’aimerais qu’on arrête de me considérer comme une mémère » - Témoignage

Lentement, les choses changent. Frédéric Valletoux, le ministre délégué chargé de la Santé et de la Prévention, a ainsi dédié ce 8 mars « à un meilleur accompagnement de la ménopause, l’oubliée de notre système de santé ». Tandis que Gabriel Attal reconnaît dans son interview avec le magazine ELLE qu’« on parle souvent de la difficulté d’accès à l’emploi pour les seniors mais, en réalité, la population la plus discriminée en la matière, ce sont les femmes de plus de 50 ans ».

Le temps est peut-être enfin venu de considérer les femmes de plus de 50 ans comme des personnes (et de toute évidence un électorat) digne de respect et d’intérêt. Et de leur donner la place qu’elles méritent dans notre société.

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