40 ans de l'abolition de la peine de mort: Badinter ne croit pas à son retour, malgré les propos de Zemmour

Robert Badinter continue de militer contre la peine de mort, quarante ans après l'avoir fait abolir en France. - Eric Feferberg - AFP
Robert Badinter continue de militer contre la peine de mort, quarante ans après l'avoir fait abolir en France. - Eric Feferberg - AFP

À 12h25 précises ce 30 septembre, quarante ans s'étaient écoulés en France depuis l'abolition de la peine de mort. C'est en effet à cette heure et à cette date que les sénateurs de 1981 ont adopté, dans un Palais du Luxembourg encore dominé par la droite, le texte voté au préalable par un Palais-Bourbon passé à gauche depuis quelques mois.

Mais ces quatre décennies n'ont pas suffi à clore le débat. Le 15 septembre dernier, sur notre plateau, Eric Zemmour - qui n'est toujours pas officiellement candidat à la présidentielle - avait ainsi estimé: "Je ne pense pas qu’on ait bien fait d’abolir la peine de mort." "Philosophiquement, j’y suis favorable", avait même ajouté l'essayiste.

Interrogé mercredi par Libération, Robert Badinter, qui fut le grand artisan de l'abolition de la peine de mort en tant qu'avocat puis de ministre de la Justice de François Mitterrand, ne s'en est pas laissé compter. "La peine de mort en France, c’est fini", a-t-il notamment lâché, lapidaire.

"Rétablir la peine de mort, c’est impossible"

Sans citer le nom d'Eric Zemmour, il a développé: "Chacun est libre de ses convictions dans une démocratie. Les mouvements de menton ne sont pas les fondements des lois". Selon lui, la restauration de la guillotine impliquerait d'abord un changement de régime:

"En vérité, il faudrait une révolution, un dictateur qui prenne le pouvoir, dénonce les accords internationaux de la France pour que la peine de mort soit rétablie… On joue à se faire peur, mais c’est fini la peine de mort en France. Et j’en étais sûr quand le texte a été voté au Sénat. J’ai posé la main sur la plaque qui marque le siège de Victor Hugo et j’ai pensé : 'C’est fait.'"

Et l'ancien Garde des Sceaux de citer les garde-fous immunisant le pays contre un retour de la peine de mort:

"Rétablir la peine de mort, c’est impossible. Le président Chirac a fait constitutionnaliser l’abolition en 2007. Cela signifie qu’un président de la République française qui voudrait instaurer à nouveau la peine de mort devrait faire réviser la Constitution. Il devrait aussi déchirer la Convention européenne des droits de l’homme et d’autres traités".

Le trompe-l'oeil de l'actualité?

Face à Jean-Jacques Bourdin, Eric Zemmour avait lui-même admis que son inclination "philosophique" pour la peine de mort était, justement, plus intellectuelle que politique: "Ce n’est pas quelque chose qu’on va faire tout de suite. Il y a d’autres priorités."

Pour autant, le probable candidat à l'élection présidentielle ne prêche pas dans le désert. Dans l'opinion, une majorité serrée mais nette se prononce en faveur de la peine de mort. Du moins, c'est ce qu'a affirmé un sondage Ipsos pour Le Monde en 2020, assurant que 55 % des Français étaient encore en faveur du couperet.

"Quant aux chiffres actuels, ils s’expliquent parce qu’on fait des sondages à l’occasion des grands crimes ou des attentats terroristes. Il faudrait les faire à intervalles réguliers, hors actualité criminelle", a balayé Robert Badinter.

Article original publié sur BFMTV.com