14-juillet : l’invitation de Narendra Modi, le Premier ministre indien, est loin de faire l’unanimité

Le Premier ministre indien Narendra Modi est l’invité d’honneur d’Emmanuel Macron pour la fête nationale du 14 juillet. Il a été acceuilli ce jeudi 13 juillet par Elisabeth Borne à l’aéroport d’Orly.
Le Premier ministre indien Narendra Modi est l’invité d’honneur d’Emmanuel Macron pour la fête nationale du 14 juillet. Il a été acceuilli ce jeudi 13 juillet par Elisabeth Borne à l’aéroport d’Orly.

14-JUILLET - La France déroule le tapis rouge à l’un des dirigeants les plus controversés au monde. Les ONG grondent en effet d’indignation alors que le Premier ministre indien Narendra Modi vient d’arriver à Paris à l’occasion de la Fête nationale du 14 juillet et qu’il a été accueilli à bras ouverts par Élisabeth Borne et Gérard Larcher, ce jeudi 13.

Le dirigeant de la première puissance démographique mondiale a en effet été convié en tant qu’invité d’honneur par Emmanuel Macron, à l’occasion de la Fête nationale du 14 juillet. Un dîner privé entre les deux hommes est prévu ce jeudi soir et les deux chefs d’État se tiendront côte à côte vendredi pour assister au traditionnel défilé sur l’avenue des Champs-Élysées. Pour l’occasion, un contingent des forces armées indiennes défilera aux côtés de l’armée française.

Des commandes militaires ?

Cette invitation officielle doit permettre de célébrer le 25e anniversaire du partenariat stratégique entre la France et l’Inde. Un événement teinté d’une importance stratégique particulière à l’heure de la guerre en Ukraine. L’Inde est en effet le plus gros importateur d’armes au monde, et la France son deuxième fournisseur, juste derrière la Russie.

Cette visite en France pourrait d’ailleurs être l’occasion de faire de nouvelles annonces militaires. Selon la presse indienne, notamment le quotidien The Hindu, New Delhi envisage notamment une nouvelle commande à la France de 26 Rafales marine pour armer son porte-avions et trois sous-marins.

« La France et l’Inde partagent une même vision sur la paix et la sécurité », a affirmé l’Élysée dans le communiqué annonçant la venue du dirigeant Indien. Mais cette phrase fait bondir plusieurs ONG, alors que l’Inde est en régression démocratique depuis l’arrivée a pouvoir de Narendra Modi.

Discrimination des minorités religieuses

« Il est profondément inquiétant que la France célèbre les valeurs de liberté et d’égalité avec un dirigeant très critiqué pour avoir ébranlé la démocratie en Inde », estime l’ONG de défense des droits humains Human Rights Watch.

En 2014, l’arrivée au pouvoir de Narendra Modi, porté par la victoire des nationalistes hindous du Bharatiya Janata Party (BJP), a marqué le début d’une décennie de dégradation des droits humains et de la démocratie.

Car pour le parti au pouvoir, l’identité indienne est liée l’hindouisme, religion de 80 % des Indiens. Le BJP rejette le reste des religions. Une politique discriminatoire a donc été mise en place envers les minorités religieuses, en particulier les musulmans. En décembre 2022, Narendra Modi avait ainsi légitimé, en ne le condamnant pas, un appel à massacrer des musulmans lancé par des extrémistes hindous.

Au début de l’année 2023, le gouvernement a lancé une campagne pour dénoncer les mariages entre hindous et musulmans. Les chrétiens du pays sont d’ailleurs également visés par des violences, et plusieurs d’entre eux ont vu leur domicile attaqué.

La liberté d’expression mise à mal par le gouvernement indien

L’ONG Human Rights Watch pointe en outre du doigt le fait que « le gouvernement du BJP utilise des lois draconiennes pour arrêter et intimider des militants, des journalistes, des dirigeants de l’opposition, des universitaires, des manifestants pacifiques et des critiques des politiques gouvernementales ». Des actions qui portent directement atteinte à la liberté d’expression.

La parole des opposants politiques est ainsi étouffée par le pouvoir en place. En mars dernier, Rahul Gandhi, leader du Congrès national indien et héritier de la famille Nehru-Gandhi, a notamment été condamné à deux ans de prison pour diffamation à l’encontre de Narenda Modi. Il avait qualifié le Premier ministre de « voleur ». À un an des législatives, cette peine de prison rend inéligible le fils de l’ancien Premier ministre.

La liberté de la presse est également mise à mal par le gouvernement de Modi. L’Inde arrive en bas du classement de Reporters sans frontières, à la 161e place sur les 180 pays étudiés. Au début de l’année, le ministère de l’Information a qualifié de « propagande » un documentaire de la BBC sur les émeutes au Gujarat, au cours desquelles des centaines de musulmans sont morts. Sa diffusion a été censurée.

Manuels scolaires orientés et internet coupé

Autre signe des dérives autoritaires du gouvernement indien : les manuels scolaires sont manipulés. C’est ce que révélait en avril dernier le magazine Time, qui ciblait des sections manquantes dans les livres d’Histoire. Les émeutes de Gujarat de 2002 ont par exemple été retirées des manuels, tout comme des siècles d’Histoire de l’empire moghol, dont la religion était l’Islam.

L’accès à Internet est également largement contrôlé par le gouvernement en place. Les décrets de lois prononcés ces dernières années lui donnent de plus en plus d’emprise sur les réseaux sociaux, notamment Twitter, Instagram et WhatsApp. L’Inde détient à ce titre le record du plus grand nombre de coupures d’accès à Internet au monde, avec 106 coupures sur l’année 2021, selon le groupe de réflexion et de défense des droits numériques Access Now. « Ces coupures sont souvent imposées pour empêcher ou répondre à des manifestations anti-gouvernementales », souligne l’ONG Human Rights Watch.

L’ensemble de ces signes d’une démocratie à la dérive ont poussé les ONG à organiser une manifestation ce jeudi à Paris, à 17 heures, pour dénoncer le choix d’invité d’honneur fait par le gouvernement français pour célébrer les valeurs de la République. « La moindre des choses serait que Macron puisse encourager son homologue indien à changer de cap pour s’assurer que tous les Indiens et Indiennes puissent vivre dignement et sans peur » estime l’ONG Human Rights.

Ce n’est pas la première fois que le choix d’invité d’honneur du 14 juillet fait polémique. En 2017, Emmanuel Macron avait invité Donald Trump a s’installer à ses côtés lors du défilé des Champs-Élysées.

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