1.500 euros à 18 ans: la proposition de Borne pour les mineurs placés inquiète les associations

Une annonce qui passe très mal dans les rangs de la protection de l'enfance. Élisabeth Borne a annoncé lundi lors de la présentation d'un plan interministériel de lutte contre les violences sur les mineurs un changement majeur pour les jeunes placés de l'Aide sociale à l'enfance(ASE).

La Première ministre a expliqué vouloir réformer le système actuel du "pécule" versé à leur 18 ans. Ce "coup de pouce financier" comme l'a décrit Charlotte Caubel, la secrétaire d'État à l'enfance, se monterait "au moins" à 1.500 euros.

"Une mesure absolument indigne"

Problème: ce montant est très loin de l'aide actuelle que certains jeunes perçoivent aujourd'hui.

"Il est inimaginable que cette réforme soit financée sur le dos des jeunes qui se retrouveraient perdants", s'agace un communiqué de presse de l'association Cause majeure qui réunit les principales associations de la protection de l'enfance.

Même son de cloche pour Lyes Louffok, ancien membre de Conseil national de la protection de l'enfance et lui-même ex mineur placé. Le jeune homme accuse la ministre de "faire les poches aux enfants placés", et dénonce "une mesure absolument indigne".

Une somme pour aider des jeunes souvent en grande précarité à la sortie de l'ASE

Depuis 2016, la loi instaure un pécule pour tous les enfants placés dont les parents sont éligibles à l'allocation de rentrée scolaire. Très concrètement, cela signifie qu'au lieu que cette aide soit versée en septembre à leurs familles, elle est placée sur un compte en banque à la Caisse des dépôts chaque année.

À leur majorité, les jeunes peuvent toucher ce montant. Pour des enfants placés en foyer pendant plusieurs années, les sommes peuvent finir par être relativement importantes.

Cette somme vise à leur permettre de se lancer dans la vie en accédant par exemple au permis de conduire ou de verser une caution pour un appartement. Pour un jeune placé de ses 11 ans à ses 18 ans par exemple, en l'état actuel des sommes versées, il peut toucher à sa majorité 3.416 euros.

Un minimum: une personne sans-domicile sur 4 est un ancien enfant placé.

Un montant beaucoup plus faible, mais accessible à plus de jeunes

Autant dire que les 1.500 euros proposés désormais par le gouvernement sont loin de cette somme. Mais la secrétaire d'État à l'enfance juge, elle, que le "dispositif actuel s'avère injuste et trop compliqué".

De nombreux cas de figures excluent les enfants de ce dispositif: les enfants orphelins, les enfants dont les parents ont été déchus de leur autorité parentale ou encore ceux dont les parents ne sont pas éligibles à l'allocation de rentrée.

Pour bénéficier de l'ARS, les ressources annuelles d’une famille ayant un enfant ne doivent pas excéder 25.775 euros. Le plafond de ressources augmente ensuite de 5.948 euros pour chaque enfant à charge supplémentaire (31.723 euros pour 2 enfants, 37.671 euros pour trois enfants, etc.).

Les jeunes touchent en moyenne "800 euros" aujourd'hui

De quoi pousser le gouvernement "à défendre un soutien universel, et plus accessible" pour tous les jeunes placés à l'ASE pour leur 18 ans avec ce versement d'"au moins" 1.500 euros.

En moyenne, un jeune touche actuellement "un versement de 800 euros" à sa sortie de l'ASE pour ses 18 ans, d'après des chiffres avancés par Élisabeth Borne lundi.

Le nouveau dispositif permettrait donc de toucher 700 euros de plus pour une partie des jeunes, tout en faisant des perdants pour tous ceux qui touchent actuellement plus.

Un dispositif très perfectible

La mesure défendue par Charlotte Caubel ne prévoit pas non plus de dispositif pour des jeunes placés avant leur majorité et qui seraient sortis de la protection de l'enfance avant leur 18ème anniversaire.

Un enfant placé entre ses 10 et 18 ans toucherait également la même somme qu'un jeune placé seulement quelques mois avant sa majorité.

"Notre but aujourd'hui est de résoudre les trous dans la raquette du système actuel. Les jeunes qui touchent aujourd'hui plus que 1.500 euros vont continuer à pouvoir le faire. Le but n'est pas qu'il y ait des perdants", détaille l'entourage de la secrétaire d'État auprès de BFMTV.com.

Des réunions sont prévues avec les associations de protection de l'enfance dans les prochains jours avant un projet de loi "l'année prochaine" et une mise en application espérée d'ici 2026.

Article original publié sur BFMTV.com