« Être une femme, c’est la double peine quand on est vieux », dénonce l’autrice Fiona Schmidt

SEXISME - « Les hommes sont présumés vieillir comme du bon vin, et les femmes comme du lait. » Voilà le constat de Fiona Schmidt, autrice du livre Vieille Peau (éd. Belfond, 2023). Dans cet essai introspectif, elle décrypte les mécanismes de l’âgisme, et les inégalités entre les hommes et les femmes face à la vieillesse.

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Fiona Schmidt n’a « que 42 ans », pourtant, elle est « obsédée » par son âge. « Avec ce livre, j’ai voulu comprendre si cette obsession, que je partage avec la plupart des femmes, relève de la névrose collective, ou de la discrimination collective », explique-t-elle.

« Personne n’échappe à l’âgisme, c’est-à-dire aux discriminations envers les personnes âgées », assure l’autrice au HuffPost, comme vous pouvez le voir dans la vidéo en tête de l’article. « Mais les femmes subissent l’âgisme beaucoup plus tôt, avec des conséquences plus importantes, ce qui signifie qu’être une femme, est une double peine dans le fait d’être vieux. »

Le HuffPost. Dans votre livre, vous citez Susan Sontag qui dit que « Les femmes sont vieilles dès lors qu’elles ne sont plus très jeunes ». À quel âge une femme est-elle considérée comme vieille aux yeux de la société ?

Fiona Schmidt. D’abord l’âge est très relatif au contexte social dans lequel on évolue. Au même âge, on peut être très jeune pour devenir sénatrice et très vieille pour devenir mannequin. Mais globalement, pour une femme, le couperet commence à tomber à l’âge de 40 ans, et il tombe définitivement et brutalement à 50 ans, ce qui correspond plus ou moins l’âge de la ménopause.

Parce que dans notre société, qui est à la fois âgiste et sexiste, la valeur féminine est encore largement indexée sur le cycle menstruel. On continue de féliciter les jeunes filles au moment de leurs premières règles, on les félicite en disant « Bravo, tu deviens une femme ». Et cela induit donc qu’une femme cesse d’en être une lorsqu’elle n’a plus ses règles.

Tout cela contribue à réduire notre espérance de vie sociale. La plupart d’entre nous avons l’impression que tout se joue avant 40 ans. Si avant cet âge, nous n’avons pas coché les cases du bingo de la féminité, c’est-à-dire qu’on est en couple, mariée, qu’on a un enfant, etc. Eh bien, on a raté notre vie. Je rappelle que la moyenne de vie d’une femme est de 85 ans. Cela veut donc dire que l’on passe plus de la moitié de notre vie dans une espèce de sas symbolique vers la fin.

Vous évoquez le double standard genré du vieillissement entre les hommes et les femmes, comment se manifeste-t-il ?

Ce double standard tient à deux facteurs. D’abord le vieillissement social des hommes n’est pas indexé sur leurs fluctuations hormonales. Ils sont réputés pouvoir faire des bébés jusqu’à la fin de leurs jours ou presque. Leur corps n’est pas présumé périssable comme l’est celui des femmes avec la ménopause.

Par ailleurs, les signes du vieillissement, qui sont les mêmes pour les femmes et pour les hommes, ne sont pas perçus de la même manière par la société. Les rides, les cheveux blancs ou l’absence de cheveux ne seront jamais considérés comme des signes de laisser-aller chez un homme, ça peut même être des atouts de séduction, ce qui ne sera jamais le cas pour une femme.

Comment est-ce que les médias et les réseaux sociaux encouragent cet âgisme ?

Moi j’ai grandi dans les années 1990. J’ai appris la « bonne féminité » dans des magazines féminins qui s’appelaient 20 ans et Jeune et Jolie, dont les titres sont déjà édifiants. Ces magazines étaient truffés d’articles pour prévenir l’apparition des rides, de publicités pour des produits anti-âge. On parle de produits qui « combattent le vieillissement », qui sont des « boucliers pour la jeunesse ». Un vocabulaire martial. J’ai donc intégré que l’âge, le vieillissement et les signes de l’âge étaient mes ennemis jurés contre lesquels il fallait que je me batte.

Aujourd’hui, les réseaux sociaux ont remplacé ces magazines et c’est encore pire. Les filtres masquent les rides ou, au contraire, nous montrent ce à quoi on va ressembler plus vieux et nous font peur. Il y en a un qui se nommait « à quoi ressembleriez-vous quand vous aurez 60 ans ? ». Ce filtre-là montrait en réalité un visage de 80 ans. Ce qui veut bien dire que dans l’imaginaire collectif, 50 ou 80 ans, c’est exactement la même chose.

Pourtant ce n’est pas gênant d’être vieux. Ce qui est gênant, c’est le regard qui est porté sur les personnes âgées, et c’est ça qu’il faut changer. Ce ne sont pas les rides, les cheveux blancs ou notre apparence physique, qu’il faut changer, mais vraiment le regard que porte notre société sur ces signes du vieillissement féminin.

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