“Les étrangers vont dans des cafés où un cappuccino coûte 4 euros”

“Um galão por favor”, demande Svenia Stapper en portugais. Le barista la regarde perplexe puis répond en anglais : “Un latte, tu veux dire. Tu veux du lait de vache ou du lait d’avoine ?” La plupart des clients du café parlent anglais. Comme Svenia Stapper, ils ont la fin de la vingtaine ou le début de la trentaine. Ils sont installés à de grandes tables avec beaucoup de place entre eux, l’ordinateur portable ouvert, le bloc-notes et le café à côté.

“Free your inner self [libère ton moi intérieur]”, proclament de grandes lettres roses sur le mur. Svenia Stapper travaille ici, dans le centre-ville de Lisbonne, où les cafés comme celui-ci se suivent derrière les façades rénovées. Svenia Stapper, 32 ans, de Münster, s’est installée à Lisbonne il y a deux ans, en plein milieu de la pandémie de Covid, et n’a pas l’intention d’en partir.

Après des études d’architecture d’intérieur, elle s’est installée comme assistante indépendante. Elle réalise des présentations, gère les rendez-vous ou répond aux mails – ses clients sont des architectes et des designers, pour la plupart établis en Allemagne. Une activité plutôt lucrative : un client qui la prend pour vingt heures par mois paie 970 euros. Svenia Stapper est une nomade numérique, elle a déjà travaillé depuis Bali et l’Australie. Elle compte rester à Lisbonne, confie-t-elle. Elle s’est trouvé son réseau : “J’ai autour de moi des gens qui ont la même mentalité, qui veulent évoluer et voyager. C’est ce qui me manquait en Allemagne.”

C’est un réseau avec lequel Xavier Ferreira, 21 ans, n’a pas grand-chose à faire. Il est installé à la terrasse d’un café près de la gare routière, trois tables métalliques accolées sous une maigre marquise. Il parle des gens comme Stapper.

“Ils vivent dans leur petite bulle. Quand ils montent une affaire, c’est pour les autres expats : vêtements durables, cours de yoga, espaces de coworking. Ils vont dans des cafés où le café coûte 4 euros.”

L’expresso que boit Ferreira coûte 70 centimes. Il passait souvent par la gare routière avant. Il a grandi à Freiria, un village situé à une quarantaine de kilomètres de Lisbonne. Une heure et demie de route en voiture ou en bus en partant d’ici. Quand il a commencé ses études de géographie à l’université de Lisbonne, en 2019, il faisait la navette tous les jours, une heure et demie pour venir, une heure et demie pour rentrer. C’est encore ce que font la plupart de ses connaissances de la région. Ferreira scrolle sur TikTok. Le site lui montre des vidéos de jeunes femmes qui marchent dans les rues de Lisbonne, font des courses, boivent des cocktails. Elles racontent combien elles dépensent : l’une paie 690 euros pour son loyer, la suivante 1 500 euros. “Tu dépenses plus par mois que ce que mes parents gagnaient au sommet de leur carrière”, constate un commentaire. “Dis-moi que tu chasses les gens du coin de la ville sans me le dire”, tranche un autre.

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