Éric Zemmour voit une preuve du « grand remplacement » dans ce concept linguistique, à tort

L’affrication accréditerait la théorie du « grand remplacement » ? Éric Zemmour a tout faux. Il s’agit d’un concept linguistique, sans aucun rapport avec le continent africain comme le sous-entend le polémiste.

POLITIQUE - De l’importance de lire un article plus loin que le titre, surtout avant de s’indigner. L’ex-candidat à la présidentielle Éric Zemmour s’est ému ce lundi 15 janvier d’une interview publiée par Libération au sujet de l’affrication. Le président du parti Reconquête ! voit d’ailleurs dans ce concept la preuve du « grand remplacement ». Et se trompe complètement.

Sur X, Éric Zemmour a partagé une capture d’écran de l’article de nos confrères. Seul le titre est visible : « ’Amandjine mange à la cantchine’ : l’affrication, nouveau tchic de langage des adolescents ». Il n’en fallait pas plus pour que le polémiste voie midi à sa porte : « le Grand remplacement n’existe pas », écrit-il sur un ton ironique.

Aucun rapport avec l’Afrique

Le concept xénophobe (et non étayé scientifiquement) du grand remplacement prédit l’effacement volontaire de la population européenne par une population immigrée, et constitue l’une des bases du discours de l’ancien candidat à l’Élysée. Dans son tweet, Éric Zemmour fait donc un lien direct entre le terme « affrication » et l’Afrique, continent d’où provient une partie de la population immigrée. Sauf qu’il a tout faux.

D’une part parce que, n’en déplaise à l’essayiste d’extrême droite Renaud Camus qui l’a popularisé et à Éric Zemmour, la théorie du grand remplacement n’est soutenue par aucun chiffre, ni aucun fait, comme le rappellent régulièrement chercheurs et spécialistes des migrations et de la démographie.

D’autre part ensuite, parce que le concept « d’affrication » relève de la linguistique, sans aucun rapport avec l’immigration, ni l’Afrique.

Zemmour « raciste, inculte »

C’est même ainsi que commence l’interview donnée par la linguiste Maria Candea à Libé. « En linguistique, on parle d’affrication lorsqu’on prononce une consonne comme ’tch’ et ’dj’ avec un bruit de friction plutôt qu’avec une brève explosion. Ce mouvement est générationnel », détaille la spécialiste du langage. Maria Candea juge difficile de retracer l’origine de l’affrication. Car, souligne-t-elle, il n’a pas cours qu’en France. « On a le phénomène équivalent au Québec, avec une affrication en ’dzi’ et ’tsi’(’lundzi ’, ’petsit’) (...) et ce depuis très longtemps, sans que cela ne soit marqué socialement ou géographiquement », précise-t-elle.

Soit exactement l’inverse de ce que sous-entend Éric Zemmour avec son tweet. Le Premier secrétaire du PS Olivier Faure n’a d’ailleurs pas raté l’occasion de moquer l’ancien journaliste. « Selon Éric Zemmour, nous risquons tous de devenir québécois », raille-t-il.

Laélia Véron, linguiste et co-autrice avec Maria Candera du livre Le français est à nous ! Petit manuel d’émancipation linguistique (ed. La Découverte, 2019), y voit d’ailleurs la preuve de la xénophobie du polémiste. « Zemmour raciste, inculte et visiblement incapable de lire un article au-delà du titre. Le mot ’affrication’ vient de ’friction’ (rien à voir avec l’Afrique…) et désigne une évolution phonétique typique des langues romanes », cingle-t-elle sur X. Qui a dit réactionnaire ?

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