Émeutes en Nouvelle-Calédonie : le retour au calme laisse place aux pénuries

Après une nuit plus calme dans les rues de Nouméa, les Calédoniens constatent des files d’attente monstres devant les supermarchés qui n’ont pas été brûlés ou pillés.

Un réveil sous tension. Après une quatrième nuit de violentes contestations en Nouvelle-Calédonie dans le sillage d’une réforme électorale votée à Paris, les habitants du caillou constatent ce vendredi 17 mai que le calme est revenu dans les quartiers. Mais cette accalmie laisse place à des pillages dans les magasins brûlés, des files d’attente de plusieurs heures pour se ravitailler, et de graves pénuries de médicaments.

Émeutes en Nouvelle-Calédonie : journée « plus calme » ce vendredi, malgré des secteurs à « reconquérir »

Plus de 200 millions d’euros de dégâts sont à déplorer pour les trois premières nuits d’émeutes, a affirmé David Guyenne, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Nouvelle-Calédonie, cité par La 1re. Ajoutant que 80 % à 90 % du circuit de distribution (magasins, entrepôts, grossistes) de Nouméa ont notamment été « anéantis ».

Bercy a réagi en activant une « cellule de crise économique » vendredi, et le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé réunir les assureurs « la semaine prochaine » afin de « garantir une indemnisation rapide et juste » des dégâts.

Face à cette économie paralysée, les Néo-Calédoniens se pressent ce vendredi pour récupérer les dernières denrées disponibles dans les grandes surfaces, explique au HuffPost Julie, 40 ans, mère de deux enfants habitant à Nouméa. « La population commence à manquer de nourriture, c’est particulièrement vrai pour le lait pour bébé. Pour le moment, on vit sur nos réserves en attendant que tout s’organise, car je n’ai pas envie d’aller me battre dans les files pour repartir avec un paquet de bonbons », poursuit-elle.

Pour rentrer dans une grande surface ce vendredi, il faut en effet passer des heures dans des files d’attente sans garantie de trouver des victuailles sur les étals. Comme vous pouvez le voir dans le tweet ci-dessous, cette Calédonienne filmant l’immense queue dans la banlieue d’Auteuil, située dans la Province Sud, assure : « on laisse la priorité aux personnes diabétiques et dans la file les gens sont solidaires. »

Dans le centre de Nouméa, l’ambiance n’est pas aussi apaisée, dit Romane, 25 ans, au HuffPost. « Ce matin en allant faire mes courses, j’ai trouvé l’ambiance tendue, on voyait des ados sur des vélos tous neuf volés au Décathlon qui a brûlé... Ça attise les tensions, met les gens en colère », décrit cette vendeuse dans une boulangerie qui a rouvert ce matin.

Cette atmosphère de tension est exacerbée par les vidéos de pillages qui circulent sur Facebook, montrant « des gens rapportant fièrement de l’électroménager, des écrans, des vêtements, de la nourriture, des outils... issues de grandes surfaces qui ont cramé », dénonce Romane.

D’autres Calédoniens ne cherchent même pas à se fournir dans les supermarchés et se mettent à faire du troc. « Le dépôt de tabac a brûlé. Certains sont prêts à échanger de la nourriture contre des cigarettes ou des recharges de cigarettes électronique », détaille à ce propos Julie.

Pour la nourriture de base, Mélanie, vivant au Mont-Dore à une dizaine de kilomètres de Nouméa, s’organise pour sa part « avec les gens du coin, on a des petits cultivateurs dans le quartier qui sont venus spontanément apporter leurs fruits. Tous ceux qui ne peuvent plus livrer en fait. », témoigne-t-elle auprès de franceinfo.

La crainte de pénuries d’aliments et de médicaments monte surtout dans les établissements de santé. À Bourail, sur la côte ouest de la Grande Terre, la maison de retraite La Broussarde a publié un communiqué sur Facebook visant à interpeller les autorités et l’opinion publique sur l’accueil des personnes âgées vivant dans en Ehpad. « Si la situation ne revient pas rapidement à la normale, les établissements vont être confrontés dès ce mercredi soir à une pénurie de médicaments. Certains de ces traitements sont vitaux pour les pensionnaires », écrit-elle, dans la publication ci-dessous, craignant que les personnes âgées soient « les premières victimes de cette situation insurrectionnelle. »

Dans la nuit de mercredi à jeudi un centre de dialyse a également été incendié. Le haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie, Louis Le Franc, s’est adressé jeudi en conférence de presse aux manifestants pour leur demander de ne pas s’en prendre à ces structures. Et a rappelé : « Les personnes dialysées ne peuvent pas rester sans traitement plus de quarante-huit heures. Elles sont nombreuses à Nouméa et risquent de mourir. »

Le haut-commissaire a aussi indiqué qu’un bateau avait accosté jeudi au port de Nouméa, avec une cinquantaine de conteneurs de produits alimentaires. Louis Le Franc a ajouté ce vendredi que les opérations de ravitaillement des grandes surfaces en denrées alimentaires et en médicaments commenceraient dès ce vendredi après-midi, rapporte l’agence Reuters. Les supermarchés seront également « sécurisés » pour permettre aux Calédoniens de faire leur course, a-t-il assuré, appelant à ce que « la vie calédonienne puisse reprendre normalement son cours ».

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